Connu pour son expertise footballistique sur TF1, Grégoire Margotton fait un détour « handball » en cette fin d’année. Le journaliste sportif a commenté le quart de finale de l’équipe de France féminine au Mondial 2017, diffusé sur TMC mardi, et officiera également pour la demi-finale vendredi, voire la finale dimanche si les Françaises se qualifient… le cas échéant sur TF1. Commenter du handball est un exercice qui le change beaucoup du football, mais qu’il prend goût à pratiquer.
- En janvier dernier, vous aviez commenté le quart de finale, la demi-finale puis la finale des Bleus au Mondial de handball 2017. Aujourd’hui, on vous retrouve de nouveau sur une compétition majeure de handball, féminine cette fois-ci. Finalement, le handball, c’est votre truc ?
C’est en train de devenir mon truc en tout cas, et celui de TF1 donc c’est bien. C’était une totale découverte de commenter les hommes en janvier dernier. J’avais le goût pour ce sport, le goût pour ses champions et la connaissance de quelques uns des handballeurs français, donc je ne partais pas de zéro, mais c’est vrai que je n’avais jamais pratiqué le handball et je n’avais pas les réflexes de commentaires liés au rythme de ce sport. C’était une formidable expérience et un événement magnifique, organisé en France de surcroît. Ça m’a laissé quelques bases et, depuis, je continue d’aller voir du handball en spectateur, pour le plaisir. Donc je n’ai pas complètement coupé avec ce sport. Mais c’est vrai que sur les dames, j’ai un peu moins de repères. Heureusement, le rythme est très proche de celui des garçons, ce qui me permet de m’inscrire dans une certaine continuité par rapport à ce que j’ai pu faire en janvier.
- Le handball féminin ressemble donc beaucoup au handball masculin ?
Le handball est peut-être le sport où il y a le moins de différences entre hommes et femmes. Je suis frappé par les intensités des contacts, par la rapidité du jeu, par la puissance des tirs des filles. Tout va aussi vite que chez les hommes. Le spectacle, in fine, est équivalent à celui proposé par le handball masculin. Ce n’est pas le cas au football ou au basketball, par exemple, où la puissance et le physique des joueurs et joueuses sont encore très différents.
« Les Françaises ont conscience qu’elles peuvent battre la Suède »
- Comment décririez-vous la compétition des Françaises jusqu’à présent ?
Même si elles sont vice-championnes olympiques en titre et médaillées de bronze à l’Euro 2016, les Bleues constituent un groupe qui se cherche encore avec quelques anciennes joueuses, quelques unes très jeunes et des joueuses intermédiaires. Depuis le début de la compétition, elles se sont toujours basées sur leur principale qualité : la défense. Ensuite, petit à petit au fil des matches, elles ont réussi à mettre en place certaines choses en attaque, et ont beaucoup progressé. Aujourd’hui, elles commencent à emmagasiner beaucoup de confiance, sont très sereines et ont bien conscience qu’elles peuvent battre la Suède.
- Que peut-on attendre de cette demi-finale France-Suède ?
Je suis très rassuré par ce qu’ont montré les Bleues lors du huitième de finale face à la Roumanie, puis lors du quart de finale contre le Monténégro. Elles ont joué leur match de la première à la dernière minute, contrairement aux rencontres précédentes où on pouvait observer 20 minutes superbes suivies de 20 minutes d’absence. Elles ont su mettre en place des choses très intéressantes offensivement. Puis le sélectionneur, Olivier Krumbholz, a vraiment bien fait tourner son équipe afin d’arriver à la fin de la compétition avec un peu plus d’énergie qu’en finale des Jeux Olympiques de Rio, en 2016, où les joueuses étaient complètement carbonisées [ndlr : défaite 19-22 face à la Russie]. Là, j’ai l’impression que les jambes sont plutôt légères. Le problème, c’est que la Suède est pas mal aussi et qu’après, la Suède, en finale, on pourrait tomber sur la Norvège qui n’a jamais été aussi forte. Mais bon, pour le moment, concentrons-vous sur la Suède. Bien que, ma coéquipière aux commentaires Nodjialem Myaro, ancienne handballeuse championne du monde en 2003, a dit que si les Bleues passaient le cap des huitièmes, elles iraient au moins jusqu’en finale. Et je n’ai pas honte à la croire, c’est elle la spécialiste !
- Y-a-t-il une joueuse française qui vous impressionne plus que les autres depuis le début du Mondial ?
En phase de poule, j’ai été très impressionné par l’ailière gauche Manon Houette. C’est un petit gabarit mais elle saute très haut dans ses tirs, a un coup de poignet magnifique, et une grande variété de shoots. Puis surtout, elle a été d’une efficace incroyable. C’est un peu moins vrai pour le quart de finale contre le Monténégro où elle s’est retrouvée face à la gardienne avec laquelle elle joue toute l’année en club à Metz [ndlr : Marina Rajcic] ; ce n’était sans doute pas facile à gérer pour elle. Mais lorsqu’une joueuse est un peu moins bien, d’autres prennent le relai, comme Alexandra Lacrabère qui a été très intermittente en première phase mais absolument monstrueuse en huitième de finale et en quart. C’est difficile de sortir une fille du groupe ; elles se complètent bien, tout en gardant, chacune, cet ADN français dans l’intensité et dans le combat. Je pense aussi à Allison Pineau qui a une histoire incroyable : elle sort d’une blessure à la cheville, ne devait pas participer à la compétition avant que le sélectionneur ne la rappelle au dernier moment. Elle n’a pas beaucoup joué en préparation ni dans les premiers matchs mais, petit à petit, on sent qu’elle prend du volume. Si ça se trouve, on aura une Allison Pineau extraordinaire en demi-finale et en finale. Et on en aura besoin.
- Le handball est un sport qui plaît beaucoup. Preuve en est le Mondial 2017 masculin dont la finale France-Norvège, qui a vu sacrer les Bleus d’une 6e étoile, a réuni 8,67 millions de téléspectateurs sur TF1 (soit 43,6% de part d’audience). À votre avis pourquoi ?
Le handball est devenu un sport culturellement français qui concerne aujourd’hui entre 500.000 et 600.000 licenciés, dont 30-35% de femmes. Mais il ne faut pas négliger la dimension « Bleu, Blanc, Rouge » de l’affaire. Je pense que les Français adorent les équipes de France qui gagnent. En quart de finale du Mondial dames, sur TMC, il y avait un million de téléspectateurs. Si les Bleues vont en finale, ce n’est pas un million qu’on aura sur TF1, mais beaucoup plus ! Et ce n’est pas parce que les gens, tout d’un coup, se mettent à aimer le handball ; c’est parce qu’ils sentent que l’équipe de France peut aller chercher une médaille. C’est un réflexe totalement logique. Bien sûr qu’il y a plus d’audience quand les Français gagnent la Coupe Davis en tennis, c’est normal. Les équipes de France féminine et masculine de handball gagnent depuis longtemps. Il n’y a pas d’équivalent en football, en volley-ball ou en basketball.
« La Coupe du monde féminine de football 2019 fera un carton d’audience, j’en suis persuadé ! »
- La diffusion des matches de l’équipe de France féminine de handball en clair sur TMC, et TF1 en cas de finale, c’est une première !
Le fait que les femmes et les hommes ne soient pas traités sur un pied d’égalité en terme de diffusion est anormal. C’est juste une correction naturelle de l’histoire. Je ne parle pas d’égalité car ce n’est pas le terme, mais bien d’équilibre. Un équilibre qui est en train de se mettre en place dans tous les secteurs de la société. Ce serait dommage que TF1 n’accompagne pas le vent de l’histoire. La chaîne diffusera également la Coupe du monde de football féminine en 2019 [ndlr : les 25 meilleures affiches, dont tous les matches de l’équipe de France] et ce sera un carton, j’en suis persuadé. Si TF1 me demande de commenter la compétition, j’en serais très très heureux.
- La médiatisation du sport au féminin progresse mais l’affluence, elle, n’est pas toujours au rendez-vous. On l’a vu lors du quart de finale des Bleues face au Monténégro ; les tribunes étaient très clairsemées…
Le Mondial est en Allemagne et, malheureusement, l’Allemagne a été éliminée très tôt dans la compétition. Vous auriez eu un France-Monténégro hommes mardi soir à l’Arena Leipzig, la salle n’aurait pas été pleine non plus. Ça dépend beaucoup de ce que fait l’équipe nationale du pays organisateur. La France est allée jusqu’en finale du Mondial masculin en janvier dernier, et cela a beaucoup aidé les salles à se remplir, quelle que soit l’affiche. Puis la Fédération française de handball avait fait un magnifique travail de communication autour de l’événement et il en sera de même pour le Championnat d’Europe féminin organisé en France en 2018. Je ne suis pas encore allé dans la salle d’Hambourg où se tiendront la demi-finale et la finale du Mondial de handball 2017, mais à Leipzig, pour le quart de finale, on n’avait pas l’impression que la ville accueillait une compétition de cette envergure… Cela dépend beaucoup du pays organisateur et de l’énergie qu’il est capable de fournir pour faire connaître son événement. Je n’ai aucun doute pour la France. Si les Bleues vont en finale dans un an, les salles seront pleines.
- D’un point de vue technique, quelles sont les principales différences au commentaire entre le football, votre domaine de prédilection, et le handball ?
C’est le jour et la nuit. Le handball est une école d’humilité pour moi qui parle trop, et trop vite. Il me permet de me calmer un peu et m’oblige à parler moins. Si je commence à vouloir tout décrire, je vais être très soulant parce que ça va très vite ; on est dans l’intensité pratiquement à 100% pendant les deux périodes de 30 minutes. Alors qu’au football, on raconte une histoire à des rythmes bien différents : il y a des moments de pause, des moments de calme et des moments d’accélération soudains. Commenter le handball est un exercice que j’adore.
- Commentez-vous différemment selon que vous êtes face à une équipe masculine ou féminine ?
Je vous avoue que je n’ai pas commenté de football féminin depuis longtemps mais je pense que ce serait exactement la même chose que pour le football masculin. Il n’y a aucune raison que le genre entraîne une différence dans la technique de commentaire. En athlétisme, en saut en hauteur par exemple, ce n’est pas parce qu’une femme va passer une barre à 2,02 m et un homme une barre à 2,26 m, que le commentaire va être différent. Il est le même sauf au moment d’annoncer le résultat puisqu’il y a effectivement 24 cm d’écart. Mais le geste, le travail en amont et la technique de l’athlète sont les mêmes. Je ne m’attache pas à l’enveloppe du sportif. Je trouve que c’est faire insulte aux femmes et aux hommes d’introduire une différence dans mon commentaire. Pour moi, je commente du handball, pas du handball féminin. Je commente une équipe de France, je ne commente pas l’équipe de France « féminine ». Quand on arrêtera de préciser « l’équipe de France féminine », on aura fait un grand pas.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le meilleur souvenir de commentateur sportif de Grégoire Margotton : l’athlétisme aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008.