Pour faire du sport, les femmes ont recours à des techniques diverses et variées : en club ou à la salle, en solo ou en cours collectifs, en réel ou à l’aide d’une application de coaching virtuel. Beaucoup ont déjà testé toutes ces options afin de trouver celle qui correspond le mieux à leurs envies et qui répond à leurs attentes. Mais ont-elles essayé la pratique en entreprise ? Faire du sport sur son lieu de travail présente en effet de multiples avantages : organisation, efficacité, santé. En voilà un trio gagnant !
PAR FLORIANE CANTORO
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.9 de juillet-août-septembre 2018.
Un gain de temps considérable
Nous passons quasiment un tiers de notre temps quotidien au travail, et un autre à dormir. Finalement, il ne reste que très peu de place pour les activités annexes telles que le sport. Alors pourquoi ne pas essayer de faire cohabiter ces différents moments de la journée ? Et comme il est difficile de faire autre chose que dormir sur son temps de sommeil, l’entreprise apparaît comme le lieu privilégié de la diversité des activités.
« Le sport en entreprise est beaucoup plus accessible que les pratiques extérieures, notamment pour les collaboratrices féminines », note Didier Besseyre. Le président de la Fédération française du sport d’entreprise (FFSE) s’explique : « La société reste organisée autour d’un certain nombre de codes qui font que les femmes, lorsqu’elles deviennent mamans, sont souvent plus accaparées par leurs enfants que les hommes, et renoncent plus facilement à leur pratique sportive. » Si ce schéma paraît caricatural en 2018, il s’appuie pourtant sur des constats réels. Une étude réalisée en mars 2017 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) montre que, de 26 à 29 ans, le taux de pratique des hommes, après une légère baisse entre 15 et 25 ans, repart à la hausse (93%), tandis que celui des femmes continue d’être en forte baisse (78%). « Cette tranche d’âge correspond à la tranche d’âge moyenne de l’arrivée du premier enfant, explique l’étude. Les contraintes engendrées par une maternité et l’arrivée d’un enfant pèsent plus particulièrement sur la vie familiale et professionnelle des femmes et pourraient expliquer qu’une partie d’entre elles délaissent la pratique physique et sportive à ces âges. » Obligatoire à la première maternité, l’arrêt de la pratique sportive se prolonge souvent dans le temps, les femmes ayant d’autres contraintes liées à leur nouvelle vie de maman : les horaires de la crèche, de l’école, les devoirs…
Une heure de jogging à la pause déjeuner permet de pratiquer du sport sans empiéter sur la vie familiale.
C’est ici que le sport en entreprise joue un rôle considérable pour elles. Un cours de fitness ou une heure de jogging à la pause déjeuner, pendant que les enfants sont à la cantine par exemple, permet de pratiquer une activité physique sans empiéter sur le temps précieux de la famille. Interrogé par nos confrères de gpomag.fr, le site d’information des dirigeants d’entreprise, Julien Pierre, maître de conférences à l’université de Strasbourg, remarque effectivement que « les femmes sont très actives sur le créneau de la pause méridienne, un créneau qui leur permet de concilier vie professionnelle et vie personnelle. »
Pour ou contre rendre le sport en entreprise obligatoire ?
La FFSE est unique en France : elle dépend du Code du sport (comme toutes les autres fédérations sportives), mais également… du Code du travail ! Ce dernier impose aux entreprises de plus de 50 salariés d’avoir un Comité d’entreprise chargé de structurer les activités socio-culturelles dont le sport fait partie. « Il n’y a pas d’obligation directe pour les entreprises d’organiser ou de favoriser la pratique sportive de leurs salariés. Cependant, les comités d’entreprise qui ne s’intéressent pas du tout au sport sont rares tant il y a aujourd’hui une certaine forme de pression. », explique Didier Besseyre. En Suède, quelques entreprises obligent leurs collaborateurs à pratiquer une heure de sport hebdomadaire. C’est le cas de Björn Borg, la marque de vêtements de sport créée par l’ancienne gloire du tennis suédois. « Si on ne veut pas faire de sport, on s’en va », estime le directeur général. Le président de la FFSE n’est cependant pas certain de la méthode. « J’ai toujours considéré qu’il était préférable de convaincre plutôt que d’imposer ; ce sera plus long mais la semence sera plus efficace », explique-t-il.
Un tremplin professionnel ?
Ce n’est plus à prouver, le sport est bon pour la santé. Physique, mais aussi mentale car il atténue les dépressions et diminue le stress. Un salarié sportif est un salarié détendu, et donc bénéfique pour son employeur. C’est ce que démontre une étude commandée en 2015 par l’organisation patronale du Medef, le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) et AG2R La Mondiale. Selon cette étude, un salarié qui pratique une activité sportive gagne de 6 à 9% de productivité par rapport à un collègue sédentaire. « Le sport en entreprise est également un fabuleux instrument de networking : on contacte plus facilement ses collaborateurs quand on les a connus sur un terrain de sport », ajoute Didier Besseyre. Autant de facteurs qui, couplés à un environnement professionnel où les femmes rencontrent toujours plus de difficultés pour accéder aux postes à responsabilités que les hommes, font du sport un allier – sans doute pas décisif – mais peut-être intéressant pour les femmes. Mesdames pédalez et qui sait, vous serez peut-être promues et augmentées !
Des freins à lever, tant chez les femmes que chez leurs employeurs
Selon une étude réalisée par le Medef, le ministère des Sports et l’Union Sport & Cycle, 87% des dirigeants (sur 265 interrogés) se disent convaincus des « effets positifs » de la pratique sportive en entreprise. Pourtant 82% d’entre eux n’ont toujours pas pris d’initiatives pour la favoriser : 34% estiment que leurs locaux ne sont pas adaptés, 16% considèrent que le contexte économique n’est pas favorable et 19% précisent manquer de ressources humaines nécessaires pour engager des actions dans le domaine du sport. Pour Didier Besseyre, ces chiffres traduisent cependant une certaine méconnaissance du système. « Les patrons disent qu’ils n’ont pas les équipements nécessaires mais le premier des équipements, c’est une simple douche ! Le premier terrain de jeu c’est la rue ou le parc situé en bas du bureau. »
Par ailleurs, quand on parle de sport en entreprise, on pense tout de suite à la salle intégrée dans les locaux, entre la salle de réunion et l’ascenseur. Mais le sport en entreprise prend tout un tas de formes très différentes énumérées par Julien Pierre sur son site sport-entreprise.com, notamment les associations sportives d’entreprises (il en existerait environ 8.000 en France) et la pratique auto-organisée, « celle des coups de fil passés entre collègues-amis pour confirmer que, demain, ils se retrouveront comme d’habitude à 12h00 devant le bâtiment de travail pour aller à la piscine ou au centre de futsal du coin ». On peut citer les événements intra-entreprise, les aides au financement du comité d’entreprise, les stages de team building ou encore les conférences d’anciens athlètes de haut-niveau.
On identifie aussi quelques freins psychologiques. Souvent, les salariés se demandent : « que va dire mon patron si je fais du sport au lieu de travailler ? ». Sans faire de raccourci, les femmes se posent plus souvent ce genre de questions que les hommes, la gent féminine étant davantage touchée par la pression au travail que leurs collègues masculins.
« Les patrons disent qu’ils n’ont pas les équipements nécessaires mais le premier des équipements, c’est une simple douche ! »
Malgré tout, les mentalités évoluent, dans un sens comme dans l’autre. Le sport en entreprise est en passe de devenir un des sujets incontournables de notre société. Preuve en est la création, en 2016, des Jeux Mondiaux du sport d’entreprise, sorte de « petits JO du sport au travail », dont la 2e édition s’est tenue en France en mai dernier. Elle a réuni 400 entreprises internationales de 50 nationalités différentes, et pas moins de 5.000 salariés. À cette occasion, la ministre des Sports Laura Flessel a rappelé que « le développement du sport en entreprise fait partie intégrante de l’objectif de mobiliser 3 millions de pratiquants d’ici 2022 ».
Soigner le mal par le mal
Si la FFSE milite pour faire bouger les salariés, c’est aussi et surtout dans une démarche de santé publique. Créée en 2003 sur les bases de l’Union nationale des corpos (1953), elle constitue un outil fiable de sport-santé pour ses quelque 2.200 entreprises affiliées et 40.000 licenciés. « Le bien-être des salariés est devenu l’une des préoccupations majeures des responsables d’entreprises », explique son président Didier Besseyre. Certaines sociétés ont mis en place de vraies politiques sportives afin de lutter contre les accidents de travail et les maladies professionnelles. C’est le cas d’AccorHotels. Le premier groupe hôtelier de France a fait appel à la FFSE pour lutter contre une pathologie chronique du secteur baptisée « l’arthrose de la femme de chambre » et référencée comme une maladie professionnelle, qui entraînait beaucoup d’accidents de travail chez le personnel de la chaîne. Carole Mégrot, sophrologue spécialisée dans la gestion du stress et de la douleur chronique, a été déléguée par la FFSE pour construire un programme de mise en conditions pour les employés de ménage de ces hôtels. Elle nous explique : « Le programme se décline en trois parties : avant, pendant et après le poste de travail. Il ne s’agit pas simplement de faire un échauffement de 5-10 minutes ou du renforcement musculaire, mais aussi d’enseigner les bons gestes et postures, d’instaurer de bonnes habitudes de vie, de sommeil, d’alimentation, de récupération et de respiration ». Le programme a été initié dans l’hôtel Mercure de la Défense, puis décliné dans 10 hôtels témoins de la chaîne. En 2016, le groupe AccorHotels (Sofitel, Novotel, Pullman, Mercure) a signé un partenariat global de quatre ans avec la FFSE pour la formation des salariés de 167 hôtels (femmes et valets de chambre mais également personnels de restauration et administratif). Le magazine IKEA de Saint-Étienne et l’entreprise adaptée DSI bénéficient également de programme de mise en conditions pour leurs collaborateurs. « Chaque salarié a un programme adapté à sa profession mais la logique est la même : il s’agit de le préparer à son poste de travail tout en le préservant. Le rendre responsable de sa santé. », explique Carole Mégrot. La formatrice et ses collègues de la FFSE se déplacent dans toute la France pour transmettre ces bons gestes professionnels. Les employés pourront ensuite les reproduire avant leur prise de service, sous la direction d’un « leader » désigné.
De la même façon, le sport en entreprise s’affirme comme une réelle solution contre la sédentarité. Quelques idées d’exercices ici.