Il y a un an, l’explosion du scandale Harvey Weinstein libérait la parole de milliers de femmes victimes d’agressions sexuelles. Depuis un an, les témoignages se multiplient dans la presse et sur les réseaux sociaux à travers les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc. Un mouvement qui a révélé que le sport n’était pas épargné par ce fléau….
Il y a un an, le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein était accusé de harcèlements sexuels, puis de viols, par plusieurs actrices dans le New York Times et New Yorker. Les témoignages de stars confirmant les agressions sexuelles, ou tentatives d’agressions sexuelles, du plus puissant producteur d’Hollywood se multipliaient dans les médias. Durant l’année écoulée, l’affaire a largement dépassé les frontières du cinéma pour s’étendre à l’ensemble de la société. Sur les réseaux sociaux, des milliers de femmes victimes d’agressions sexuelles racontent désormais leur histoire à travers les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc. Et le milieu du sport s’est révélé bien plus atteint qu’on ne le pensait…
Peu après les révélations sur l’affaire Weinstein, c’est l’ancienne gymnaste américaine McKayla Maroney, double médaillée d’or aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, qui avait décidé de briser le silence à son tour. Elle avait révélé avoir été victime, à plusieurs reprise et pendant des années, d’abus sexuels de la part du Dr. Larry Nassar, médecin de l’équipe nationale des États-Unis. Dans un texte publié sur Twitter à l’époque, elle avait déclaré : «Je sais combien il est difficile de parler publiquement d’un sujet aussi horrible et personnel parce que cela m’est arrivé aussi. Les gens doivent savoir que cela n’arrive pas qu’à Hollywood. Cela se passe partout». L’ex-gymnaste avait ensuite évoqué «son rêve d’aller aux Jeux Olympiques» et les choses «inutiles et répugnantes» qu’elle a dû «endurer pour y parvenir» ; les «soins», soit-disant «utilisaient depuis plus de trente ans sur des patients» et cette nuit, «la plus effrayante de [sa] vie», où elle s’est réveillée seule dans sa chambre d’hôtel, en train de recevoir un de ses fameux «traitements». Un cauchemar qui avait commencé lorsqu’elle avait 13 ans et qui ne s’était terminé que le jour où elle avait quitté ce sport, en février 2016, à l’âge de 20 ans.
Quelques mois plus tard, Larry Nassar était jugé devant les tribunaux du Michigan et condamné à la prison à perpétuité à l’issue d’un procès emblématique où la cour a entendu les témoignages poignants des quelque centaines de victimes du praticien devenues un symbole de la lutte #MeToo dans le sport.
Le taux d’exposition général des athlètes est de 11,2%
Mais l’affaire de la sélection américaine de gymnastique n’est pas un cas isolé. Plusieurs scandales sexuels ont également ébranlé le milieu du sport depuis 2017, notamment l’athlétisme français, le football international, le taekwondo américain…
Une enquête coordonnée par le docteur en psychologie Anthony Mette pour la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et le Conseil Départemental de la Seine-Maritime datée de 2015 estime que le taux d’exposition général des athlètes aux violences sexuelles en milieu sportif est de 11,2% contre 6,6% hors sphère sportive. Parmi les facteurs de risque de l’agression sexuelle, on compte la relation entraîneur-sportif, la culture du bizutage encore très présente, la confiance aveugle de certains parents envers l’entraîneur. Mais également, le cadre du sport en général : entrées et sorties de vestiaires, déplacements fréquents (nuits à l’hôtel), l’importance du corps et du poids, la tactilité destinée à perfectionner les mouvements…
Agressions sexuelles : inaction, omerta et non-dits
Les affaires précédemment citées ont démontré deux problèmes intrinsèques aux agressions sexuelles en milieu sportif : l’inaction des personnes et autorités pouvant agir pour éradiquer ce fléau et l’omerta.
La première affaire du genre sortie dans la presse est celle qui a rapidement été baptisée «l’affaire des lanceuses de marteau», en 1991. Deux lanceuses de marteau, Catherine Moyon de Baecque et Michelle Rouveyrol ont raconté les coulisses abominables et cauchemardesques d’un stage d’athlétisme où elles ont été agressées et violées par plusieurs athlètes de haut-niveau, encouragés par l’entraîneur national. Catherine Moyon de Baecque a été la première sportive française à dénoncer les violences sexuelles dans le sport et à mettre en cause l’encadrement et les responsables de la Fédération d’athlétisme qui ont cherché à étouffer l’affaire. Si la presse s’est émue de son histoire, le milieu sportif, quant à lui, l’a exclue : elle n’était plus autorisée à s’entraîner et a été écartée de l’équipe.
La même inaction a été reprochée à la Fédération américaine de gymnastique dans l’affaire Nassar, mise en cause pour avoir «placé l’argent et les médailles en premiers» pour reprendre les mots de l’avocat des victimes.
Interrogée par le 20 Minutes, la nouvelle Ministre des Sports du gouvernement français, Roxana Maracineanu, a admis l’omerta qui règne dans le milieu et promis qu’elle allait «tout faire pour que tous les acteurs du sport soient sensibilisées à cette problématique».