Lucie Garmier déjoue les stéréotypes féminins pour mieux les plaquer au sol, et remporter des victoires sportives, pour elle comme pour les personnes qu’elle accompagne. Nous avons rencontré cette jeune femme pleine de peps sur l’estrade d’une conférence intitulée « Alice au pays des championnes ». Par Léa Borie
À 30 ans à peine, Lucie Garmier s’affirme. Elle a la « niaque » depuis toute petite. Aujourd’hui médiatrice scientifique en sciences cognitives appliquées et consultante, elle explique accompagner individuellement des sportives dans leur recherche de performance plutôt que les coacher. Au départ, son travail consiste à rebooster surtout la motivation de chacun en entreprise, dans le domaine du développement personnel (gestion du stress, des émotions pour les commerciaux, les dirigeants d’entreprise) et des ressources humaines. Le sport s’est invité dans son métier par coïncidence et par passion, celle du basket et de la boxe.
« Je fonce pour être la championne de mes propres ambitions »
Lucie se dit très compétition. Après 10 ans de basket, à 16 ans, elle se met à boxer. Elle découvre la boxe française sur le tard et quitte le loisir pour commencer les compétitions, avant de se mettre au combat depuis cette année. C’est au club qu’elle rencontre sa 1ère ‘cliente’ sportive, Sara Surrel. « Au départ, je la conseillais sur sa réorientation professionnelle, avant de me concentrer sur sa préparation mentale sportive. A l’époque, je n’étais pas encore légitime en boxe française mais elle m’a fait confiance pour qu’on prépare ses championnats ensemble. On a trouvé les leviers pour gérer la pression pendant ses combats. Je lui expliquais : ‘A partir du moment où tu commences à trop penser, tu redeviens débutante. ‘Et si’, ‘Oui mais’… Ces pensées embuent ton objectif. Tu penses à ce qui t’empêche de faire, plus qu’à faire. Alors qu’en agissant en professionnelle, tu vires ces biais pour te reconcentrer sur ce que tu dois mettre en place’. » Ses freins parlent d’eux-mêmes: sa pression prouve qu’elle manque de confiance et doute de ses capacités malgré tout son palmarès.
On retrouve ce doute chez Marième Badiane, joueuse de basket à Lyon ASVEL Féminin. Lucie analyse que la sportive a perdu confiance en changeant de club et accorde au coach une reconnaissance supérieure à ce qu’elle devrait être. « Elle va être amenée à changer de club souvent. Si elle a besoin de l’approbation de son nouveau coach à chaque changement, elle ne s’en sortira jamais et ratera le coche ! Je lui ai démontré que cette approbation n’était qu’un bonus. Avant, il fallait qu’elle mette en place un processus pour gagner en confiance en elle-même. »
De l’autre côté de la barrière, après avoir elle aussi pris confiance avec des thématiques sportives connues, Lucie Garmier a pu répondre à une demande de préparation dans un domaine qui lui était jusqu’alors étranger : l’équitation. Pour apprendre à son équipe de stagiaires du Centre équestre des Deux Rives à Strasbourg à gérer le stress post et ante compétition, elle s’est entourée d’une partenaire spécialisée en équitation western qui maîtrise la pratique. «J’ai découvert un nouveau paramètre à prendre en considération : la contagion du stress et des émotions au cheval. Or, en gagnant en confiance et en se focalisant sur son objectif, j’ai montré aux cavaliers qu’ils obtiendraient plus de fluidité. »
Performance et stéréotypes féminins
Intelligence émotionnelle : « Mon approche basée sur les sciences cognitives donne du sens à nos comportements et nos pensées automatiques qui freinent notre développement. » Selon Lucie, toute victoire réside dans l’intelligence émotionnelle. Avec elle, on va pouvoir comprendre ce qu’il se passe chez son coach ou son coéquipier. La performance en équipe par exemple est de mettre en avant le groupe et de s’adapter à lui.
Efficience : « Dans les sports de combat notamment, ou dès qu’il y a affrontement avec l’adversaire, on s’interdit les expressions du genre ‘Je vais la défoncer’, ‘Je vais être la championne’, ‘Je vais la battre’. On se dit ‘Je vais faire de mon mieux’ mais ce n’est pas approprié ! », insiste la jeune trentenaire. « Les coachs doivent adopter un discours déculpabilisant. En face, la personne a choisi d’être sur le ring donc il faut oser y aller en ces termes : employer les bons mots pour être guide de ses gestes. » La veille du match de Sara Surrel, Lucie a échangé par SMS avec elle en lui rappelant le plus important : « Tu te fais plaisir à la bousculer.» Elle est devenue championne d’Europe de boxe française.
Attitude : Pour Lucie, c’est souvent un problème d’attitude entre filles et garçons. Dans l’éducation, tout tourne autour des garçons. Ils prennent conscience de leurs actions. Alors qu’une fille aura trop tendance à adopter l’attitude que la société attend d’elle. « Elle existe par et grâce aux autres, ce qui implique une peur de l’erreur. Donc elle reste à sa place. Or, surtout en sport, il faut casser les codes et s’affranchir de ça. N’oubliez pas : vous êtes la femme que vous voulez être. »
Feedback : « Un problème fréquent chez les sportives : elles ne se servent pas assez du feedback pour progresser. Elles ont tendance à se polariser sur ce qui ne va pas, ce qui crée des biais cognitifs. En entendant une critique, le cerveau la démultiplie. Pourtant, l’erreur est une mine d’informations ! »
Blocage : « On est tous différents mais on met en place les mêmes mécanismes de blocage. Par contre, l’explication est individuelle car liée à son expérience, sa psychologique et son histoire. Cette dernière, si elle est négative, apportera des peurs, une anticipation, et des blocages. Positive, elle nous rendra plus sûr de nous. Il y a donc une explication légitime à ses freins. Du moment où l’on met le doigt dessus, les barrières sont prêtes à être levées ! »