Nom : Marine Leleu
Profession : Marine Leleu
Coach sportive, athlète de l’extrême, youtubeuse, auteure et maintenant cheffe d’entreprise : on ne compte plus les casquettes de Marine Leleu. Alors, quand on lui demande de se présenter, la jeune femme de 27 ans originaire de Nantes répond simplement qu’elle est Marine Leleu et que « c’est le plus beau métier du monde ». Comprenez, celui de relever des défis sportifs (un peu) fous et de croquer la vie à pleines dents ! À l’image de la marque de chaussettes dépareillées qu’elle a créée, Marine Leleu ne se prend pas au sérieux. Et ce malgré le demi-million d’abonnés qui suit ses aventures sur les réseaux sociaux et un CV long comme le bras dans le domaine des courses de l’extrême. Rencontre avec une super-sportive super cool.
Par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.11 de janvier-février-mars 2019
Les passionnés de running et de triathlon la connaissent sans doute depuis son premier Ironman en Floride, en 2015. Certains, plus branchés réseaux sociaux, ont peut-être mis un visage sur son nom lorsqu’elle a dessiné le logo de la candidature de Paris 2024 dans les rues de la capitale grâce au tracker de son application GPS (voir encadré). D’autres l’ont découverte l’été dernier, lorsqu’elle est devenue la première Française à terminer l’Enduroman (lire ici), l’un des plus impitoyables triathlons de l’extrême. En revanche, rares sont ceux qui ne la connaissent pas. Sauf peut-être les quinquagénaires qu’elle coache depuis ses débuts dans le milieu du fitness. Ceux qui connaissent Marine, pas Marine Leleu. Pour ceux qui, comme eux, seraient passés à côté du phénomène, petit retour en arrière.
Tout est parti d’un défi lancé par ses amis
Née en 1991 à Nantes, la petite Marine grandit dans une famille de sportifs. Pour les parents Leleu, tous les moyens sont bons pour faire bouger leurs trois enfants. Aussi, pendant les vacances, pas question d’aller acheter le pain en voiture : ce sera à grands coups de pédale après une session de surf matinale ! Marine pratique alors plusieurs activités physiques extra-scolaires (natation, tennis et gymnastique artistique) comme beaucoup d’enfants de son âge. Mais ce sont des soucis de santé et une hospitalisation de longue durée, survenus à l’adolescence, qui la mettront véritablement sur les rails du sport. «Quand je me suis remise à bouger après cette période compliquée, j’ai repris goût à la vie», explique-t-elle. Elle ressent alors un besoin vital d’inculquer cette valeur aux autres et comprend rapidement que son avenir réside dans ce domaine. Elle entame des études pour devenir professeure de natation, un sport qu’elle a toujours particulièrement affectionné, mais découvre entre temps le fitness et sera finalement diplômée dans cette branche. Son certificat de coach sportive en poche, Marine Leleu décide de quitter sa côte atlantique natale pour Paris. Elle débarque sans boulot, sans amis, sans famille, sans argent. Sans rien, si ce n’est l’envie de commencer sa vie ici, en oubliant un peu les ennuis et soucis du passé.
Rapidement, elle trouve du travail dans plusieurs clubs de fitness de la capitale. Elle y fait la connaissance d’un petit groupe d’amis, tous issus de milieux sociaux-professionnels très différents mais qui partagent ensemble leur passion commune pour le sport.
« Je suis juste une fille qui aime faire du sport et réalise des défis un peu dingues. »
«Ils m’ont immédiatement adoptée, un peu comme la petite «Marinette» qu’ils prenaient sous leurs ailes», explique celle qui, malgré les années et le succès, restera toujours cette petite «Marinette» à leurs yeux. «C’est ce que j’adore d’ailleurs avec eux.» À l’époque, elle a 21 ans et ne court pas encore. Mais, par son statut de coach sportive, elle accompagne ses nouveaux amis dans la préparation de leur prochain objectif : le marathon de New York. «Ils m’ont fait la surprise de m’offrir un billet d’avion pour que je puisse voir l’arrivée. Pour les motiver, je leur ai dit que s’ils terminaient tous la course, je ferais la prochaine avec eux», se souvient-elle. Oh la mauvaise idée… Vous la sentez arriver, vous aussi, l’entourloupe ? «Dans ma tête, je parlais bien sûr d’un marathon puisque nous étions sur un marathon ! Quand ils ont franchi la lignée d’arrivée, ils m’ont dit : «Ok maintenant, on fait un Ironman !» Hum… on vous l’avez dit, ça sentait mauvais pour son matricule… «Tout part d’une simple phrase que j’ai lancée en l’air, un peu comme ça. Ça paraît dingue mais c’est comme ça que tout a commencé.»
7 marathons, 3 Ironman, 4 half-Ironman et un Enduroman
«Tout», c’est une histoire d’amour qui dure depuis maintenant six ans entre Marine Leleu et les courses d’endurance, voire même les «trucs carrément un peu fous». Pour honorer le défi lancé par ses amis de la salle de sport, Marine se met au running. Elle court son premier semi-marathon dans les mois qui suivent à l’entraînement, puis termine l’un des plus prestigieux marathons, celui de Berlin, en 2014, recevant ainsi sa toute première médaille de « finisher» sur la célèbre distance de 42,195 km. Elle passe ensuite à la catégorie supérieure, celle des tant attendus Ironman (3,8 km de natation, 180,2 km de cyclisme et un marathon). Elle réalise sa première épreuve du genre en novembre 2015, en Floride. Une aventure qu’elle a longuement préparée et partagée sur ses réseaux sociaux via une chaîne Youtube créée au cours de l’année et son compte Instagram. C’est peut-être cet événement qui marque un tournant dans sa carrière sur le web : en quelques mois, Marine Leleu devient en effet l’une des coaches sportives les plus connues de France.
Elle enchaîne encore sur d’autres marathons (7 au total), trois Ironman et quatre half-Ironman (Ironman dont les distances sont divisées par deux). Des performances qui lui valent aujourd’hui une sacrée renommée dans le monde des triathlons d’endurance. Elle est d’ailleurs l’ambassadrice de plusieurs événements du genre. Mais la Nantaise d’origine – Parisienne d’adoption – insiste sur un point : elle n’est pas une athlète de haut-niveau. Elle n’a ni licence sportive, ni fédération de rattachement, ni programme d’entraînement. Une liberté totale dans sa pratique sportive à laquelle elle ne veut surtout pas renoncer. «Cela me permet de faire plein d’autres choses à côté» : alimenter ses réseaux sociaux et répondre à ses abonnés ; écrire des bouquins («Zéro blabla : HIIT» sorti en 2017 et «Dans la tête et les baskets de Marine Leleu» paru en 2018, tous deux aux éditions Marabout) ; faire du coaching entre 6h et 10h par semaine, non pas par souci financier mais par pur plaisir parce qu’elle adore ça, «c’est [son] métier de base» ; et même créer sa propre entreprise, la Leleu Style, une société qui commercialise depuis 2017 des chaussettes dépareillées de production française.
« À vrai dire, je ne sais pas trop pourquoi les gens me suivent… J’ai même souvent du mal à en parler. »
Une multitude de casquettes qui l’éloigne de la case «haut-niveau». «Je suis juste une fille qui aime faire du sport et réaliser des performances un peu dingues», se défend-elle. Sa dernière en date : l’Enduroman. Sans doute l’un des plus impitoyables triathlons de l’extrême. Une course entre Londres à Paris (sans emprunter l’Eurotunnel, vous vous en doutiez !). Un parcours de 144 km de course à pied de Londres à Douvres, sur la côte du Kent ; 33 km de traversée de la Manche à la nage (au mieux si le courant ne fait pas des siennes) ; et enfin 290 bornes de vélo pour relier Calais à la capitale française. «C’est la chose la plus dure que j’ai faite de toute ma vie, se souvient Marine Leleu. Notamment la traversée de la Manche. Je n’en voyais jamais le bout, je me prenais des méduses et des vagues dans tronche dans une eau à 14°C. Arriver sur les côtes françaises a été un réel soulagement, je savais que j’irais au bout. Toucher du sable est sans doute la plus belle sensation que j’ai eue de ma vie», s’amuse-t-elle avec le recul.
Marine Leleu a finalement bouclé son Enduroman après 69 heures et 52 minutes d’effort, devenant ainsi la 28e personne au monde et la première Française à terminer cette course hors-normes, signant au passage le record féminin de l’épreuve [ndlr, battu un mois plus tard par une autre super Frenchie, Perrine Fages, en 67 h 21 min]. Pour son arrivée sous l’Arc de Triomphe à Paris, des milliers de personnes l’attendaient : sa famille et ses amis, bien sûr, mais également de nombreux abonnés. Et pourtant, l’horloge affichait 3h00 du matin. «C’est un truc de dingue qu’ils aient fait le déplacement en pleine nuit et en pleine semaine.»
Victime de sa «coolitude»
Son succès, Marine Leleu n’en revient toujours pas. «À vrai dire, je ne sais pas trop pourquoi les gens me suivent…, nous confie-t-elle gênée. J’ai même souvent du mal à en parler, Chloé le fait mieux que moi.» Chloé, c’est la super copine, l’agent, l’associée, la petite «fée» qui prépare tout magnifiquement bien. «La fille de l’ombre absolument géniale sans laquelle il n’y aurait pas de Marine Leleu.» Peut-être que Chloé, elle, nous le dirait que Marine Leleu rassemble plus d’un demi-million de personnes sur Instagram et que plus de 200 000 sont abonnées à sa chaîne de vidéos sur Youtube. Peut-être que Chloé, elle, nous le dirait que Marine Leleu est «influenceuse» au sens le plus propre du terme même si elle, a horreur de ce mot. Peut-être que Chloé, elle, nous le dirait que certaines marques spécialisées dans le triathlon préfèrent Marine Leleu aux champions du monde de la discipline pour incarner leur image et porter leurs vêtements. Mais Marine, elle, non. Elle tente quand même une réponse : «Les gens me disent que c’est parce que je les motive à faire du sport. C’est cool !».
D’ailleurs c’est sans doute pour ce côté «cool» que la jeune femme est autant appréciée par les internautes et aussi sollicitée par les marques. Son crédo : toujours prendre la vie du bon côté. Même lorsqu’elle se fait percuter par un camion quelques jours après son Enduroman l’été dernier, Marine ne baisse pas les bras : elle va se faire opérer, partir en rééducation et revenir avec des projets sportifs aussi foufous qu’avant. Sur son visage, que des sourires. Dans ses messages, de la joie et de la gaieté. Elle est comme ça Marine, enthousiaste, exaltée. Pour elle, toutes les occasions sont bonnes pour s’extasier des petits plaisirs de la vie.
« Il n’y a pas de grosses ou de petites distances, pas de gros ou de petits défis. »
Cette notoriété, elle la trouve «cool», mais reste prudente. «À une époque, je répondais à mes abonnés avant de répondre à ma famille et mes amis ; j’ai compris qu’il y avait un problème», se souvient-elle. Après un séjour de quelques jours à l’autre bout du monde, seule et sans téléphone, elle revient plus sereine que jamais. «C’est sûr que mes réseaux sociaux aujourd’hui me permettent de m’exprimer et de partager des choses avec ma communauté. Mais si un jour tout ça s’arrête, j’aurais toujours mes coachings, ma marque, mes défis sportifs… C’est hyper important pour moi de garder cette liberté», explique-t-elle. Elle met également en garde sur les dérives du net. «Les réseaux sociaux, c’est super cool aujourd’hui : on s’inspire, on découvre, on voit plein de choses. Mais il faut faire attention de ne pas se comparer aux autres. Chacun son objectif. Préparer une course de 5 km en six mois, je trouve ça aussi cool que s’inscrire pour un Ironman. Il n’y a pas de grosses ou de petites distances, pas de gros ou de petits défis. L’important c’est de tracer sa propre route», explique-t-elle. Avant de conclure : «Et surtout, de positiver, parce que la vie c’est…. » Alors, à votre avis, parce que la vie c’est quoi ?! Allez, on vous aide : «parce que la vie, c’est cool», bien sûr ! ?
MARINE LELEU, INFLUENCEUSE DE HAUT NIVEAU
Son requin bleu (ci-dessous) tracé via le tracker GPS de l’application de running Strava a créé le buzz le 30 octobre dernier. 41 000 vues de sa vidéo sur Youtube dès le premier jour, 24 000 vues sur Facebook, 54 000 «j’aime» sur Instagram… Si certains ne connaissaient pas encore Marine Leleu, ils n’ont pas pu passer à côté de son dessin réalisé après 10h30 de marche dans Paris et relayé par les médias grands publics comme France inter ou RTL. Triathlète amateure, Marine Leleu est surtout une influenceuse hors pair, qui passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux. Pas un jour ne passe sans qu’elle poste une petite photo, une vidéo, un message sur ses comptes. Certes, à 27 ans, Marine n’est pas une athlète de haut niveau mais sa «sportive attitude», son dynamisme et sa frimousse font chavirer sa communauté. Il faut dire qu’elle a le don pour susciter l’engagement de ses fans. Sans arrêt, elle les sollicite: «Et vous, vous êtes souple ?» «Zoomez sous mon aisselle, vous allez découvrir ce qu’il y a écrit, sinon lisez ceci : Nouvelle vidéo!». Elle manie le «call to action» comme personne.
Cherchant à provoquer des émotions, elle n’hésite pas à poster une vidéo d’elle et de sa maman pour l’anniversaire de sa génitrice tout comme à partager sa joie «Je suis méga heureuse». Jamais négative, toujours souriante et optimiste, elle distille ses petits leitmotiv, permettant à son public de réfléchir et d’avancer : «Les gens qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent réussir quelque chose d’impossible pour les autres, sont généralement ceux qui le font. N’oubliez jamais ça.»
Marine Leleu a une pêche communicative et c’est sans doute ce qui lui permet d’être autant suivie : 471 000 fans sur Instagram, 255 000 sur Youtube, 116 000 sur Facebook et près de 23 000 twittos. On devient accro à son histoire (blessure, opération, rééducation, nouvelle compétition), un peu comme on deviendrait accro à un feuilleton. Et les marques, évidemment, ont repéré la coach sportive pour qu’elle vante les mérites de leurs produits, ce qu’elle fait régulièrement. Elle aussi a d’ailleurs créé sa ligne de chaussettes… dépareillées. Malin.
Par Sylvie Marchal, fondatrice de Bonne Image, le media coaching pour les sportifs : www.bonneimage.fr