Il existe un endroit sur terre où le football féminin s’est plus rapidement et mieux développé que nulle part ailleurs : les États-Unis. Outre-Atlantique, ce sont les femmes les vraies stars du ballon rond. Boudé dans les années 1970-1980 par les garçons qui lui préféraient largement le basket ou le football américain, le « soccer » comme disent les Américains est devenu le sport de référence de la gent féminine. Les States ont même dépassé les deux millions de pratiquantes depuis l’an 2000 ! De quoi trouver les perles d’une équipe nationale ultra-dominatrice et faire du pays une référence mondiale en matière de football féminin. La preuve en faits, en chiffres et en images.
Par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.12 d’avril-mai-juin 2019
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Titres de championnes du monde (1991, 1999, 2015) et sept podiums sur sept éditions de la Coupe du monde féminine de football (3 médailles d’or, 1 médaille d’argent et 3 médailles de bronze).
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Gold Cup, principale compétition féminine de football entre les équipes nationales d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (1991, 1993, 1994, 2000, 2002, 2006, 2014 et 2018).
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L’équipe américaine féminine de football, appelée la US Women’s National Team ou USWNT, est actuellement numéro 1 au classement mondial féminin de la FIFA (au 6 mars 2019). Depuis l’introduction de ce classement en 2003, les États-Unis ne sont jamais descendus en-dessous de la 2e place.
26,7 millions
C’est le nombre de téléspectateurs américains qui ont suivi la finale de la Coupe du monde 2015 remportée 5-2 par les États-Unis face au Japon. Il s’agit du match de « soccer » le plus regardé de tous les temps outre-Atlantique (25,4 millions de téléspectateurs sur la chaîne Fox et 1,3 million sur la chaîne en langue espagnole Telemundo).
40 millions
C’est le montant (en dollars) des recettes publicitaires perçues par la Fox lors de la Coupe du monde 2015. La chaîne américaine ne s’attendait pas à de tels revenus ; elle avait prédit un gain de 17 millions de dollars selon le Wall Street Journal.
18.000
C’est le nombre moyen de spectateurs qui ont assisté aux matches du Portland Thorns FC en NWSL sur la saison 2017.
5,6 millions
C’est le nombre de personnes qui suivent la star américaine Alex Morgan sur Instagram. À titre de comparaison, la footballeuse française la plus suivie sur ce réseau social est Laure Boulleau (ancienne joueuse du PSG aujourd’hui consultante sur Canal+) avec 460.000 followers. La championne la plus plébiscitée, tous sports confondus, est la catcheuse américaine Ronda Rousey avec 12,1 millions de fans, devant Serena Williams (10,8 millions), tandis que Simone Biles et Lindsey Vonn, dont les renommées dépassent largement le cadre de la gymnastique et du ski, n’en rassemblent respectivement « que » 3,3 millions et 1,8 million. C’est dire la popularité de l’attaquante de l’US Women’s National Team !
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Médailles d’or aux Jeux olympiques (1996, 2004, 2008 et 2012).
16.538 dollars
C’est le salaire minimum (14.635€) qui sera alloué en 2019 par les clubs aux joueuses qui évolueront en National Women’s Soccer League (NWSL), le championnat américain de football féminin, pour une saison de six mois (avril-septembre), soit environ 2.400€ par mois. Ce salaire minium a augmenté de 5% par rapport à l’année dernière. Le salaire maximum a lui aussi été revalorisé et atteint désormais 46.200$ (40.850€). Certaines footballeuses de la NWSL touchent également d’autres salaires provenant de leurs fédérations nationales et/ou des contrats de sponsoring et d’images.
49,6%
Les filles représentent 49,6% du total des joueurs de football à l’université (source : ScholarshipStats.com) et 46,1% de ceux qui pratiquent au niveau lycée (source : @Statista 2019).
Le chiffre bonus : 4
C’est le nombre de footballeuses américaines qui figurent dans notre Top 10 des meilleures joueuses de tous les temps, également issu du magazine WOMEN SPORTS N.12 d’avril-mai-juin 2019.
Des joueuses exemplaires sur tous les terrains
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Oui, les USA ont bien la main mise sur le football féminin. Mais les joueuses américaines ne se contentent pas d’être des patronnes sur les pelouses des stades. Elles tâchent de l’être aussi en dehors, après le coup de sifflet final, notamment sur des sujets de société tels que l’égalité des sexes.
En 2016, des joueuses de l’équipe nationale américaine ont poursuivi leur fédération pour discrimination salariale.
En 2016, certaines des meilleures joueuses de l’équipe nationale n’ont d’ailleurs pas hésité à porter plainte contre la Fédération américaine de soccer (US Soccer), l’accusant d’enfreindre les lois sur l’égalité salariale entre hommes et femmes. La superstar Alex Morgan, la gardienne Hope Solo, la capitaine Carli Lloyd, et les perles offensive et défensive Megan Rapinoe et Becky Sauerbrunn déplorent être payées quatre fois moins cher que leurs homologues masculins, alors même qu’elles sont la force économique majeure de la fédération. Dans le cadre de matchs amicaux, par exemple, elles recevaient 1.350$ en cas de victoire et rien en cas de nul et de défaite, peu importe l’équipe en face. L’équipe masculine, elle, qui n’a jamais rien gagné, touchait au moins 5.000$ par match (même en cas de défaite), et jusqu’à plus de 17.000$ en fonction du classement de l’équipe adverse.
Les réclamations des joueuses ont été portées devant la Commission américaine pour l’égalité des chances en matière d’emploi. « Ce que nous faisons a une dimension historique, cela ne concerne pas seulement cette équipe, mais aussi les générations à venir et la société en général », avait commenté Carli Lloyd. Après un an de négociations et de nombreuses menaces de grève, la Fédération américaine de football et ses joueuses sont parvenues à un accord au printemps 2017. « Nous sommes heureux d’annoncer que la Fédération américaine et le syndicat des joueuses ont conclu un nouvel accord salarial collectif qui va permettre de continuer à développer le football féminin aux États-Unis, de faire grandir le sport au niveau mondial et d’améliorer les vies professionnelles des joueuses sur et en dehors des terrains », était-il écrit dans un communiqué commun. Megan Rapinoe s’était alors réjouie de la fin du litige. « Je suis incroyablement fière de cette équipe et de la détermination que nous avons montrée pendant les négociations », avait expliqué la milieu de terrain américaine. « Je pense qu’il reste des marges de progression, pour nous-mêmes et pour les femmes en général, mais je pense que le syndicat des joueuses peut être fier de cet accord ».
Les footballeuses américaines ont de nouveau montré leur attachement aux luttes féminines en portant des maillots aux noms des grandes dames de ce monde lors d’un match de SheBelieves Cup, en mars dernier. Aussi, on a pu apercevoir sur le terrain, des joueuses arborant les noms de plusieurs icônes telles que Malala, adolescente pakistanaise devenue militante des droits des femmes dans son pays ; J.K Rowling, auteure de la saga à succès Harry Potter ; mère Teresa, religieuse canonisée en 2016 pour avoir consacré sa vie aux pauvres et enfants abandonnés en Inde ; Beyoncé, chanteuse américaine aux centaines de millions de disques vendus dans le monde ; ou encore Serena Williams, championne de tennis aux 23 titres en Grand Chelem. Sur son compte twitter officiel, l’équipe américaine féminine de football a titré : « One crazy dreamer inspires the next ». Des pionnières on vous dit !
One crazy dreamer inspires the next. pic.twitter.com/GIs34MpZN0
— U.S. Soccer WNT (@USWNT) 2 mars 2019
Le carnet de voyage d’Amandine Henry, ou l’analyse d’une pro
La capitaine des Bleues a joué pendant deux saisons (2016 et 2017) dans le championnat américain au Portland Thorns FC, club avec lequel elle a remporté le trophée NWSL en 2017. Elle nous raconte les principales différences entre le football en France et le football tel qu’il est pratiqué aux États-Unis.
« Le management est diamétralement opposé. Aux États-Unis, tu es libre et responsable de ta préparation ; ce qui compte, c’est ce que tu fais sur le terrain. Pas ce que tu fais avant ni après, ni comment tu t’alimentes. Par exemple, les jours de matchs, on pouvait manger des pancakes, je n’en revenais pas ! (rires) En France, la nutrition est beaucoup plus contrôlée : c’est pâtes, féculents et viandes sèches avant les rencontres. Ensuite, dans leur façon de penser, les Américains adoptent la « positive attitude » : c’est toujours bien, même quand cela ne l’est pas forcément. Si un jour tu es un peu moins bonne, on te dit que tu feras mieux la prochaine fois. C’est toujours positif et constructif. Enfin, sur le terrain, les États-Unis, c’est un jeu direct, très physique, basé sur les duels avec beaucoup de courses. En France, on travaille plus la technique, la possession de balle, la justesse et la tactique. »