Dans la vie de Laurence Musy, il y a un « avant » et un « après ». Avant d’être victime d’une terrible chute en ski, elle était une jeune fille téméraire de 22 ans, ayant un penchant prononcé pour les activités physiques engageantes, voire dangereuses. Après les 126 jours de coma qui ont suivi l’accident, elle est devenue – par nécessité et par expérience – une sportive plus mesurée dans sa pratique. Mais que ce soit dans son « avant » ou dans son « après », Laurence n’a toujours eu qu’un seul moteur. Récit d’une femme qui a le sport au corps.
Par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.15 de janvier-février-mars 2020
« Un outil formidable, le support du mouvement et donc de la vie elle-même. » Telle est la définition du « sport » que nous donne Laurence Musy. Depuis 50 ans, cette écrivaine alsacienne, également animatrice radio bénévole dans le Jura, fait de l’activité physique une composante essentielle de son existence. Par choix, mais parfois aussi par nécessité.
Elle est initiée au sport très jeune par ses parents, deux passionnés de montagne et de sports nature qui passent tous leurs week-ends au grand air. Elle sait à peine marcher qu’elle crapahute déjà sur les rochers ! Elle fait aussi du ski de randonnée, de l’alpinisme et du ski alpin, une activité qu’elle pratiquera en sport-études à Font-Romeu. À 22 ans, elle commence une formation de monitrice qu’elle ne terminera jamais : alors qu’elle envisageait une carrière dans l’encadrement sportif en saisonnier, Laurence est victime d’une terrible chute en ski qui la coupe douloureusement dans son élan.
« Soit vous faites une activité physique adaptée tous les jours, soit vous êtes dans un fauteuil roulant à 40 ans. »
Polytraumatisée, elle reste quatre mois dans le coma et se réveille dans un état de « légume amélioré » : sans capacités physiques et intellectuellement très diminuée. C’est le début d’un long processus de rééducation ; il lui faudra presque un an pour retrouver une certaine autonomie. Les équipes médicales, et en particulier son chirurgien, l’avertissent néanmoins : « soit vous faites une activité physique adaptée – impérativement – tous les jours, soit vous êtes dans un fauteuil roulant à 40 ans. »
Laurence n’a pas le choix : elle doit bouger, doucement, mais quotidiennement. Elle incorpore le yoga dans sa pratique quotidienne en adaptant le style et l’intensité en fonction de son état de santé. « Ayant toujours préféré les sports physiques, je n’étais pas vraiment enchantée de pratiquer ces sports de mémé à 25 ans… (rires) et en même temps, je ne pouvais pas non plus faire la difficile ! », admet-elle. Mais Laurence l’avoue volontiers : le « yoga de mémé », comme elle dit, a fini par la convaincre : « Je me suis aperçue que c’était très bénéfique pour moi en activité de fond. » C’est d’ailleurs cette pratique qui lui permettra, des années plus tard, de traverser d’autres périodes compliquées de sa vie, notamment une première grossesse menée en dépit d’un avis médical réservé. « J’avais pris plus de 25 kg pendant la maternité, se souvient Laurence, aujourd’hui maman de quatre enfants, dont une fille en situation de handicap. Cette prise de poids combinée aux fragilités liées à l’accident ont été difficiles à gérer. Je me sentais emmurée dans un corps qui n’était pas le mien ».
« Condamnée à entretenir la machine »
Au fil du temps, grâce aux soins et à cette pratique sportive adaptée, elle retrouve la fonction de son corps et la quasi-totalité de ses capacités cognitives (à l’exception de quelques facultés, notamment la maîtrise des langues étrangères).
Le sport, qui était déjà bien inscrit dans son quotidien avant l’accident, devient un véritable mode de vie. « Mon corps ne supporte pas du tout l’immobilité : si je passe un jour sans faire une activité physique, je ressens immédiatement des douleurs dans les hanches et la marche redevient difficile… Je suis condamnée à entretenir la machine ! »
Une « discipline » payante puisque, après des années d’activités thérapeutiques pratiquées avec rigueur, Laurence peut de nouveau pratiquer des sports plus toniques que « le yoga de mémé ». Bien sûr, la course à pied, le parachutisme ou encore la plongée sous-marine lui seront toujours impensables, mais depuis son accident, elle a notamment exercé la gymnastique aux agrés et même… le ski ! « Ma passion pour le sport n’a pas été altérée par l’accident : l’énergie à la base est restée la même, elle a simplement dû être transformée et utilisée différemment. »
Ayant retrouvé une « forme olympique », Laurence s’essaie également au plongeon, une activité qu’elle partage avec son fils aîné. Dans cette discipline, loin d’être étiquetée « mémé », elle ira même jusqu’à décrocher trois titres nationaux aux Championnats de France 2018 (à 1 m, 3 m et haut-vol). Sur le podium, Laurence ne peut pas s’empêcher de penser à son chirurgien, décédé quelques années plus tôt : c’est à lui, acteur de sa résurrection, qu’elle dédie ses médailles.
En septembre 2018, FDJ a lancé une campagne intitulée « Pour chaque femme, le sport est une chance ! » afin de lever les freins à la pratique du sport par les femmes. Premier partenaire du sport tricolore, l’opérateur de jeux a choisi de donner la parole aux femmes qui ont mis du sport dans leur vie et avec lesquelles il partage la conviction que pour chacune d’entre elle, le sport est une chance. Women Sports devient alors une fenêtre d’expression pour les femmes qui accepteront de partager leur expérience. Elles seront autant de modèles inspirants pour celles qui doutent encore, ou qui ne se sentent pas toujours à la hauteur.