Sacrée championne de France de cyclisme sur route en 2012, Marion Rousse était loin d’imaginer se reconvertir en consultante dans les médias. Et pourtant, depuis plus de sept ans, l’ancienne coureuse de 29 ans est la voix féminine du cyclisme à la télévision. Un métier qu’elle exerce avec passion et professionnalisme.
Propos recueillis par Floriane Cantoro. Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°19 de janvier-février-mars 2021.
WOMEN SPORTS : Marion, tu es devenue consultante dans les médias avant même la fin de ta carrière sportive (ndlr, elle a raccroché le vélo en 2015, à 24 ans). Une vocation ?
Marion Rousse : Pas du tout ! La télévision ne m’a jamais fait rêver. Au contraire même, je suis de nature plutôt timide. Quand j’ai été invitée sur le plateau de l’émission d’Eurosport « Les Rois de la Pédale » en 2012, l’année de mon titre de championne de France, je me souviens que j’ai même hésité avant d’accepter. Mais au final, j’ai adoré l’expérience. Les mois ont passé et j’ai recroisé le rédacteur en chef du cyclisme d’Eurosport, Guillaume Di Grazia, sur le Tour de France. Il m’a dit qu’il m’avait trouvée super à l’aise sur le plateau et m’a proposé d’être consultante sur la Vuelta 2013, qui commençait quelques semaines plus tard, aux côtés de David Moncoutié (ndlr, ex-coureur professionnel). J’étais sur le cul (rires). J’ai pris le temps de réfléchir et je me suis rendue compte que parler vélo, c’est ce que j’aimais faire. J’ai tenté l’aventure et au fil des années, je me suis prise au jeu. Aujourd’hui, j’adore ce métier.
Te souviens-tu de ta première prise de parole à l’antenne ?
Au début, je n’étais pas du tout à l’aise. J’avais peur que les gens se disent que je n’étais qu’un quota, que j’avais été choisie parce que j’étais une fille. Mais l’avantage de ce métier c’est que je parle d’un sport que je connais plus que tout, et que j’aime. Cela m’a rassurée de voir que les gens l’ont vite compris. Ils ont vu que j’étais capable de parler vélo aussi bien qu’un David Moncoutié ou un Laurent Jalabert. Ensuite, c’est comme tout, on s’améliore en pratiquant. La chance que j’ai eue sur Eurosport c’est qu’ils avaient beaucoup de courses à commenter. Pas forcément très regardées d’ailleurs : je me suis vue commenter des courses à 5h du matin à l’autre bout du monde ! Pas top niveau audience, mais super pour l’apprentissage.
Tu es la première femme consultante en cyclisme, un sport traditionnellement masculin. As-tu été victime de sexisme ?
De toute façon, on ne fait jamais l’unanimité. Bien sûr que j’ai reçu quelques remarques désobligeantes ou déplacées mais malheureusement des cons, il y en aura toujours ! Honnêtement, ce serait dommage de m’attarder sur ces quelques commentaires négatifs car je reçois tellement plus de messages bienveillants, des compliments sur mon travail qui me touchent énormément. Les gens ont vu d’entrée que je n’étais pas là pour faire joli ! Je m’y connais vraiment. J’ai commencé la compétition à l’âge de 6 ans alors je sais ce que c’est d’avoir mal aux jambes sur un vélo. Et puis je prends mon métier très au sérieux, je bosse beaucoup pour être à la hauteur.
Quelle a été ta réaction quand France Télévisions t’a choisie pour animer le Tour de France qui est non seulement la plus grande course cycliste du monde mais aussi un des événements sportifs les plus regardés à la télévision ?
Beaucoup de doutes quand même (rires)… mais j’ai sauté sur l’occasion évidemment. Le Tour de France, c’est toute mon enfance. Je me revois encore gamine devant la télévision, je ne manquais aucune étape ! J’ai vite mesuré la chance que j’avais. Aujourd’hui, je suis super contente de faire partie de l’équipe de France Télévisions, on s’entend tous super bien. Parler de ma passion devant des millions de téléspectateurs, je crois que je ne pouvais pas rêver mieux.
En tant que consultante et ancienne coureuse pro, quel regard portes-tu sur l’évolution du cyclisme féminin ?
Depuis que j’ai arrêté ma carrière (en 2015, ndlr), j’ai vu beaucoup d’avancées. De mon temps par exemple, il n’y avait pas de salaire minimum comme aujourd’hui. J’étais considérée comme professionnelle mais je devais faire des petits boulots à côté pour vivre. Aujourd’hui, il y a aussi des grands organisateurs d’événements comme Amaury Sport Organisation (ASO) qui déclinent toutes leurs courses masculines au féminin. On parle d’un Tour de France féminin qui devrait revoir le jour en 2022, et d’un Paris-Roubaix féminin dès l’an prochain. Même s’il reste du chemin à parcourir pour être au niveau des hommes sur le plan du calendrier, je suis contente de voir qu’on en prend la direction. D’ailleurs, je me vois bien commenter le Tour de France féminin un jour. Ce serait un beau clin d’oeil à ma carrière.
Marion Rousse en bref
Née dans une famille de cyclistes, Marion Rousse attrape le virus « vélo » à la naissance. Elle commence la compétition à 6 ans, passe professionnelle à 19 ans et devient championne de France l’année suivante. En 2015, elle arrête sa carrière pour devenir consultante dans les médias, d’abord chez Eurosport (2013-2016), puis sur France Télévisions qui vient de reconduire son contrat pour trois ans.
Depuis 2019, Marion Rousse est aussi directrice adjointe du Tour de La Provence, une course rachetée au journal éponyme par Pierre-Maurice Courtade (PMC Consultant). « Quand Pierre- Maurice m’a contactée pour reprendre la course avec lui, j’ai tout de suite été séduite par son discours : il m’a dit qu’il ne m’embauchait pas pour serrer des mains et faire des grands sourires ! » Loin d’une simple ambassadrice donc, Marion Rousse co-organise d’un bout à l’autre cette course phare du début de saison (ndlr, elle a lieu en février). « J’apporte mon aspect sportif sur la construction du parcours, mais aussi mon expertise médias. C’est un métier différent mais complémentaire de mon travail de consultante car j’ai des explications supplémentaires à fournir aux téléspectateurs maintenant. » En 2020, PMC Consultant a racheté le Tour Savoie Mont-Blanc qui a lieu tous les ans au mois d’août, avec de nouveau Marion Rousse au guidon.
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