Quel est le comble pour une danseuse sur glace ? Être complexée ! Et vous savez quoi ? Ce n’est pas si rare que cela… Bien au contraire ! Gabriella Papadakis est une reine de beauté sur ses patins. Elle compte (entre autres) quatre titres de championne du monde avec son partenaire Guillaume Cizeron. Mais Gabriella est aussi passée par une difficile période de doutes. Elle accepte de nous en parler dans une courageuse et merveilleuse interview-vérité ! PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°19 de janvier-février-mars 2021.
WOMEN SPORTS : AS-TU EU DES COMPLEXES DANS TA VIE ET SI OUI LESQUELS ?
GABRIELLA PAPADAKIS : J’ai, comme tout le monde, eu beaucoup de complexes. Même si aujourd’hui ça va mieux, je me suis toujours trouvée trop maigre. Plus jeune, je trouvais des astuces pour paraître moins fine, pour avoir des formes. Par exemple, je rembourrais mes vêtements avec des tissus et des chiffons ou j’enfilais deux pantalons… J’ai aussi complexé sur mes cheveux, je n’arrive ja- mais à les coiffer !
AS-TU ÉTÉ VICTIME DE MOQUERIES QUI ONT AMPLIFIÉ CES COMPLEXES ?
Énormément et particulièrement au collège, c’était une période très difficile pour moi. J’ai vécu du harcèlement scolaire parce que j’étais timide, de manière maladive. On m’attaquait aussi sur mon physique parce que j’étais « très maigre, avec des grands pieds et un grand nez. » Aujourd’hui, avec internet, c’est encore pire ! Comme on peut le voir sur toutes les photos, j’ai aussi des commentaires méchants. Je m’y habitue et je me crée une grosse carapace pour ne pas en souffrir. Mais on ne reste jamais totalement indifférent face à ces propos piquants.
EST-IL SUFFISANT DE SE CRÉER CETTE « CARAPACE » POUR ÊTRE PLUS FORTE FACE À CES CRITIQUES ?
Non, le secret c’est de s’accepter. Oui j’ai un grand nez et il le sera toujours. Certaines personnes peuvent le trouver moche mais moi j’ai décidé que je l’aimais bien. Ça me rend unique. Je n’ai pas fait ce cheminement juste de moi-même mais en pensant aux différentes relations amicales ou amoureuses que j’ai eues et en me disant que des personnes m’avaient désirée et acceptée avec mon nez. Et puis, peut- être que moi je trouve des gens beaux qui pour d’autres auraient des traits ou des particularités disgracieuses. Ce sont les imperfections qui font qu’on tombe amoureux de quelqu’un.
QUE CONSEILLERAIS-TU À DES JEUNES FILLES QUI SOUFFRENT POUR APPRENDRE À S’AIMER ET S’ACCEPTER ?
Selon moi, il faut se voir comme une oeuvre d’art. Et pour cela, je ne conseillerai jamais assez de se faire prendre en photo. Quand tu te vois sur des clichés pris par un professionnel qui t’a mise en valeur, tu te vois comme un sujet artistique avec des angles corporels différents. C’est ainsi que tu vas apprendre à jouer avec ton corps, ton visage, tes expressions. Tu prends du recul sur toi-même. Bref, tu apprécies davantage ce qui te rend unique et non ce qui te rend belle. Cette façon de faire m’a vrai- ment aidée. Au début, c’était inconfortable pour moi de me faire prendre en photo et au final j’ai appris à aimer le corps que l’on m’a donné.
D’AUTRES PETITES ASTUCES ?…
Arrêter de critiquer les autres. Personnellement, quand j’entends des amis critiquer d’autres personnes, je vais soit leur dire que ce n’est pas cool, soit tout simple- ment éviter de rentrer dans la discussion. Il est important qu’on se soutienne entre femmes. En se rendant compte de la beau- té des gens, on se rend également compte que cela ne sert à rien de complexer. En- fin, je conseille fortement de parler de ses complexes à ses amis. Ça permet de voir qu’on a toutes des petites choses chez nous qui nous déplaisent. Souvent on se rend compte que ces complexes sont ridicules en parlant avec nos proches. J’ai des copines sublimes de la tête aux pieds qui sont complexées ! Comme quoi…
AUJOURD’HUI, QUE PENSES-TU DE TOI LORSQUE TU TE VOIS À LA TÉLÉ ?
Me voir sur la glace a toujours été un sentiment différent. Comme je suis en- core dans ma carrière, je regarde d’un point de vue sportif en cherchant ce que je pourrais améliorer. En clair, j’observe ce qui est technique. Pour ce qui est du physique, c’est toujours différent de se voir en photos et en mouvements. Les photos artistiques, comme je le disais précédemment, peuvent être comparées à de la peinture ou de la sculpture donc c’est facile d’en faire une oeuvre d’art. Les vidéos, c’est plus compliqué car on est filmé dans des angles pas toujours avantageux…
TU PRATIQUES UN SPORT OÙ LE PHYSIQUE EST FORCÉMENT REGARDÉ ET JUGÉ…
C’est vrai que le patinage est un sport dans lequel on critique les corps, les vi- sages, l’apparence en général. Je suis dans le milieu depuis toute petite donc je m’y suis faite. En revanche, encore aujourd’hui, il m’arrive de regarder les filles dans le vestiaire et de me dire que je suis moins belle qu’elles et même de penser que je ne mérite pas la médaille pour ces raisons… Pourtant, mon corps fin peut être perçu comme un avantage dans le patinage puisqu’il correspond « aux normes de beauté ». Lorsque j’étais plus jeune, on me parlait d’ailleurs de mon physique comme un avantage pour mon sport. C’est triste car on misait plus sur mon corps que sur mon talent… Mais avec l’âge, j’ai pris du recul et je sais que tout cela était absurde !