La boxeuse française Maïva Hamadouche, championne IBF des super-plumes chez les professionnelles, a décroché lundi dernier son billet pour les Jeux olympiques (23 juillet-8 août) dans la catégorie des moins de 60 kg en battant la Hongroise Kata Pribojszki en repêchage du Tournoi de qualification olympique.
WS : Vous venez de vous qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo, comment vous sentez-vous ?
Maïva Hamadouche : C’est une grande satisfaction, un aboutissement après deux ans de travail acharné. Je suis arrivée en équipe de France olympique en 2019, alors forcément c’est une grande fierté. Je suis fière de moi, fière d’avoir accompli cette première partie du défi. Ca n’a pas été simple pour moi, entre la Covid, mais aussi une blessure au bras qui a compromis ma présence au TQO, donc j’étais encore plus heureuse de cette qualification… Et je crois que cela s’est vu sur le ring !
Vous serez la seule Française représentante aux JO. Cela vous met-il la pression ou est-ce plutôt une fierté ?
Quelque part c’est une fierté. Mais ma qualification n’est pas un exploit, je dirais plutôt que c’est la normalité. Je me devais de confirmer mon statut de championne du monde. Mais d’autre part, effectivement, ça me met une certaine pression car je me dis que si je sors, plus personne ne sera là pour reprendre le flambeau…
Quels sont vos objectifs à Tokyo ?
Je pars sur un podium, je me fixe étape par étape. Bien sûr, le but ultime est d’être championne olympique mais pour ça, il me reste encore quelques réglages à faire. Je suis une bosseuse, mais là, il va falloir mettre les bouchées doubles. Les autres filles sont aussi là pour la médaille et prêtes à tout pour ça.. La concurrence est rude.
Ce sera votre première fois aux Jeux, comment appréhendez-vous cette compétition ?
Je l’appréhende complètement différemment des autres compétitions. Rien que le Tournoi de qualification était différent des championnats du monde et d’Europe. Parfois, vos adversaires qui sont en-dessous de votre niveau peuvent se transcender sur le ring parce que ce sont les Jeux Olympiques et livrer des performances extraordinaires. A contrario, des athlètes très forts peuvent se laisser déborder par l’enjeu de la compétition. Il n’y a pas de logique dans les Jeux, et ça je l’ai compris au tournoi de qualification. Les JO sont une compétition à part. On n’y met pas le même stress, le même engagement. Faut le vivre pour le ressentir. Je me sens actuellement comme une petite fille alors que je suis 7 fois championne du monde. Je suis en haut du panier depuis un moment mais c’est comme si je ne connaissais pas.
Comment vous y préparez-vous ?
Nous sommes partagés entre deux : faire des entraînements plus poussés, mais aussi ne pas arriver fatigués sur la compétition. Il faut se faire confiance, faire confiance en son potentiel et ne pas faire les JO à l’entraînement. La boxe olympique n’est pas mon domaine de prédilection, il faut donc que j’ajuste quelques réglages. À 1 mois des JO on ne change pas un boxeur mais il faut tout donner pour aller chercher la médaille.
Vous êtes aussi candidate au poste de porte-drapeau de la délégation française aux Jeux, qu’est-ce que ça représenterait pour vous ?
Ce serait l’aboutissement d’un rêve éveillé. Je le vois comme un honneur et pour moi ce serait la reconnaissance de mon talent, mais aussi de ma personne au-delà du palmarès. Outre les titres, un porte-drapeau est choisi pour sa personnalité, donc si j’ai l’honneur d’être désignée, c’est qu’on me fait confiance.
Vous êtes surnommée « El Veneno » (le venin NDLR), pourquoi ?
Lorsque je suis devenue professionnelle, j’avais beaucoup de mal à trouver des combats. Les entraîneurs disaient à mes managers qu’ils ne voulaient pas combattre contre moi, que j’étais « un poison ». J’adore les boxeurs mexicains, leur façon de boxer avec le coeur, de tout donner. J’adore ce style, donc j’ai transformé ça en « El Veneno ».
Vous menez en parallèle de votre sport une vie professionnelle, celle de policière. En quoi consiste votre profession ?
Depuis 2019, la Police nationale me permet d’aménager mon temps pour les Jeux Olympiques (chose que je n’avais pas en tant que boxeuse professionnelle). Maintenant, je travaille avec la DRCPN (La direction des ressources et des compétences de la police nationale). En clair, je donne des cours à des femmes victimes de violence conjugale. Avec la Covid-19, je n’ai pas eu l’occasion de dispenser beaucoup de cours, mais je suis dessus. Les premiers cours se sont bien passés, mais c’est un travail sur le long terme. Le but est que ces femmes reprennent confiance en elle, en leur corps, leur potentiel. Je veux leur montrer qu’elles peuvent remonter la pente. Je suis là pour elles. Nous adorerions nationaliser ce projet, pour que dans chaque région, des policiers soient formés et aident ces femmes.
En quoi la collectivité de Saint-Quentin-en-Yvelines vous a-t-elle soutenue ?
Saint-Quentin m’a énormément apportée. Quand je suis arrivée, je n’avais pas de clubs, pas d’entraîneurs. J’avais besoin d’une stabilité. J’ai trouvé ça à Saint-Quentin. Aujourd’hui, j’ai un club qui me soutient, qui est toujours présent pour moi et disponible à chaque fois que j’en ai besoin.