Nadia Nadim, qui quitte le Paris Saint-Germain après avoir remporté le titre de championne de France, publie un livre où elle raconte son incroyable histoire. Avec sa famille, elle a fui la guerre en Afghanistan pour rejoindre l’Europe. Le Danemark d’abord, pays qui lui a donné sa nationalité. Puis la France, où elle réside depuis sa signature au PSG en 2019. Ce livre est un véritable message d’espoir pour de nombreuses petites filles. Rencontre émouvante ! PROPOS RECUEILLIS PAR ARIS DJENNADI. Extrait du WOMEN SPORTS N°21.
Le choix de se raconter dans un livre n’est jamais anodin. Nadia Nadim nous explique pourquoi elle a pris cette décision. « Je voulais raconter mon histoire mais aussi inspirer les gens qui pourraient avoir à voyager dans leur vie, pour leur dire qu’il faut garder espoir. » À travers ces lignes, elle ne souhaite pas que les lecteurs « se sentent mal ». « Je ne veux pas que les gens ressentent de l’empathie ou de la pitié pour moi. Ce n’est pas que ce je veux. Je veux qu’ils voient mon évolution et ma force mentale. » La joueuse du Paris Saint-Germain nous confie qu’à de nombreux moments, la rédaction de ce livre a été difficile. Il a fait re- monter à la surface des souvenirs parfois douloureux. « Je pleurais quand je racontais mon histoire. Je revivais tout, ça a été dur même si j’ai raconté mon histoire un million de fois, mais c’est toujours comme si j’étais touchée par ça. Mais d’un autre côté, je pense que cela m’aide aussi à avoir plus de contrôle sur tous mes sentiments et mon passé. »
Ce livre commence par le récit de la guerre en Afghanistan, la perte de son papa et la fuite à l’arrière d’un camion, sans eau ni nourriture. Puis l’arrivée au Danemark. Difficile au début. Mais le football lui a permis de changer son destin.
Le personnage-clé de l’histoire de Nadia, c’est sa maman, qui a dû affronter la guerre et la perte de son mari avec ses cinq petites filles. Nadia lui rend hommage : « Ma mère est une femme pour laquelle j’ai beaucoup de respect. Ce qu’elle a fait seule avec cinq filles, c’est une preuve de courage. Ce n’était pas facile pour elle mais elle est forte. Elle nous a appris à rester fortes, à avoir confiance en nous. Franchement, c’est une femme incroyable et je lui dis tout le temps. »
De ce parcours hors du commun, Nadia a tiré des leçons de vie. Y compris sur un plan philosophique… Revenons avec elle sur quelques révélations de son livre.
WOMEN SPORTS : DANS VOTRE LIVRE, VOUS ÉVOQUEZ LA PLACE DE LA RELIGION DANS VOTRE VIE. AU DANEMARK, VOUS AVEZ DEMANDÉ À VOTRE MAMAN DE VOUS APPRENDRE LA PRIÈRE. POURQUOI CE CHANGEMENT ?
N.N – Je me souviens avoir fait beaucoup de cauchemars, j’arrivais à un âge où j’avais besoin de mieux comprendre. Pour moi, la religion a toujours été quelque chose de très fort. C’est un lien entre Dieu et moi. Elle m’aide à contrôler mes sentiments et toutes les choses qui sont en moi, pour m’apaiser. Maintenant, à chaque fois que je suis stressée ou qu’il y a beaucoup de choses dehors, quand je prie ça me calme beaucoup.
LE FAIT DE PRIER VOUS A PERMIS DE MIEUX VOUS SENTIR AUX ÉTATS- UNIS ?
Quand on est seul, sans sa famille, la prière permet de prendre du temps pour soi. Cela m’a beaucoup aidé là-bas, et ça m’aide en- core maintenant. Je ne prie pas cinq fois par jour. Mais quand je le sens, je prie. Sans en faire une obligation. C’est mon choix, je veux prier non pas parce que j’ai peur ou parce que je veux ressentir quelque chose, mais plutôt parce que cela devient natu- rel. C’est quelque chose que je veux faire. Pour moi la plus grande chose que les gens doivent comprendre sur la religion, c’est que cela doit rester un choix personnel.
DANS LE CHAPITRE 17 DE VOTRE LIVRE, VOUS DITES QU’IL EST DIFFICILE D’ÊTRE DE RELIGION MUSULMANE EN EUROPE, MAIS AUSSI QUE VOUS REFUSEZ D’ADMETTRE QUE LES TERRORISTES TUENT AU NOM DE L’ISLAM. EXPLIQUEZ-NOUS.
Malheureusement, il y a de l’islamophobie. Dire qu’on est musulman engendre parfois des réactions négatives. Je pense que ces attaques blessent presque plus les musulmans parce qu’ils ont cette chose sur leur épaule. Concernant le terrorisme, c’est juste stupide de voir à quel point l’être humain est ignorant. Si tu es éduqué, tu ne prendras jamais ce chemin. Ça m’énerve de voir à quel point l’humain est capable de blesser les autres. J’espère vraiment que ça va changer.
C’EST RARE D’ENTENDRE UNE SPORTIVE PARLER AUSSI OUVERTEMENT DE CE SUJET.
J’en parle ouvertement car je veux faire part de mon expérience. Je veux montrer que les femmes musulmanes ne sont pas seulement dans la cuisine, elles peuvent également jouer au football, par exemple. Si tu es musulman, il n’y a pas seulement ce chemin. Donc je pense qu’il faut essayer d’être éduqué et d’avoir des ondes positives.
POUR REVENIR AU FOOTBALL, DANS VOTRE LIVRE, VOUS METTEZ EN AVANT UNE DATE : LE 4 MARS 2009. VOUS DEVENEZ INTERNATIONALE DANOISE. UN JOUR DE GRANDE FIERTÉ ?
Oui bien sûr c’est un grand moment pour moi. J’ai travaillé très dur pour arriver à ce niveau. J’ai eu mon premier match contre les États-Unis et c’était incroyable. Bien sûr c’est une grande fierté, un moment que je ne n’oublierai jamais.
QU’EST-CE QUI VOUS A FAIT JUSTEMENT TENIR ET NE PAS LÂCHER, MALGRÉ LES OBSTACLES ?
C’est une grande question. Je voulais vraiment changer ma situation. J’ai vécu beaucoup de choses tristes comme la perte de mon père. Mon enfance n’était pas incroyable. Je me suis dit qu’il fallait que je change ça.
EN 2019, VOUS ARRIVEZ À PARIS ET LÀ ON VOUS SENT, ET CELA SE RESSENT DANS LE LIVRE, VRAIMENT À L’AISE, QUE CE SOIT DANS LA VILLE OU DANS LE CLUB.
Oui exactement. C’était un rêve que de vivre à Paris. Avoir la chance de jouer dans ce club qui possède l’une des meilleures équipes du monde et vivre dans l’une des villes les plus attractives du monde, c’était juste incroyable. Un grand rêve devenu réalité. J’ai travaillé dur pour être là. Je profite de tous les moments. Je vis pleinement ce rêve éveillé !
LA VIE INCROYABLE DE NADIA NADIM EN 9 DATES CLÉS –
1988 Naissance à Hérat, en Afghanistan.
2000 Son père, général de l’Armée nationale afghane (ANA), est exécuté par les Talibans. Avec sa mère et ses quatre sœurs, elle fuit le pays pour le Danemark. Elle est alors âgée de 12 ans.
2009 Elle devient internationale danoise.
2011 Elle évolue en pro au sein de club du IK Skovbakken puis au Fortuna Hjørring.
2014 Première expérience aux Etats-Unis au Sky Blue FC, elle jouera également à Portland.
2017 Elle est élue « Danoise de l’année » par Berlingske, un grand quotidien danois.
2018 Elle signe à Manchester City.
2019 Elle signe au PSG.
2021 Elle aide le PSG à décrocher le premier titre de champion de France de son histoire.
Nadia Nadim
Mon histoire Editions Marabout 200 pages
« Ça m’afflige et me met hors de moi quand des gens sont décapités au nom de l’Islam. Ou quand des avions s’écrasent sur des bâtiments, comme en 2001. Je ne considère pas les auteurs de ces actes comme des musulmans, mais comme des psychopathes. Il est difficile d’être musulman en Europe actuellement parce que des groupes terroristes comme l’État islamique déforment l’image du citoyen musulman ordinaire. Aucun de mes amis n’adhère aux actes terroristes. Tant de choses dans le Coran sont délibérément mal interprétées pour donner du pouvoir dans des pays analphabètes et pauvres. »