À Tokyo en 2021, Chloé Pelle a vécu l’un des plus beaux moments de sa carrière. Elle est devenue avec ses coéquipières vice-championne olympique de rugby à 7. Une médaille d’argent qui a récompensé tous ses efforts et ses nombreux voyages sur le circuit mondial du Seven. La Parisienne est l’une des Bleues les plus capées avec 165 sélections pour 51 essais. La trentenaire joue également au rugby à XV en première division féminine, Elite 1, avec le club du RC Chilly-Mazarin. À côté de sa double-carrière de rugbywoman à XV et à 7, elle est également administratrice en sécurité et informatique à la Société Générale. PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉQUIPES D’EUROSPORT. RETRANSCRIPTION KÉVIN CARRIERE. Extrait du WOMEN SPORTS N°24.
COMMENT ÊTES-VOUS ARRIVÉE AU RUGBY ?
Je voulais faire du rugby depuis que je suis toute petite mais ma mère avait peur que je me blesse. Du coup je n’ai pu commencer le rugby qu’à 20 ans en école d’ingénieur. J’ai profité d’être un peu loin de ma mère comme ça elle ne le savait pas au début. Et j’ai découvert un sport qui me demandait de mobiliser toutes mes capacités physiques et mentales. J’ai tout simplement adoré et continué. Tout s’est enchaîné très vite : rugby à 7 avec mon université, puis rugby à XV en club, car le 7 est moins développé en club. Mon profil atypique a intéressé le sélectionneur David Courteix, que je ne remercierai jamais assez pour sa confiance.
À QUEL MOMENT AVEZ-VOUS EU L’AMBITION D’ATTEINDRE LE TRÈS HAUT NIVEAU ?
Il fallait surtout que j’apprenne la technique et la vision de jeu. J’avais déjà une endurance et une vitesse qui étaient plu- tôt potables. Voir des filles de mon club en équipe de France, ça m’a motivé à m’en- traîner davantage. Puis à mon tour j’ai été sélectionnée et je me suis dit : ‘‘Maintenant, continue parce qu’être sélectionnée une fois, tout le monde peut le faire, mais rester dans l’équipe ce n’est pas évident’’. En fait, c’est ça qui demande énormément de travail. Quand j’ai commencé en équipe de France, on a appris que le rugby à 7 allait être une discipline olympique. Les JO j’en rêve depuis toute petite. Et finalement, ce rêve qui me semblait impossible pouvait devenir réalité. Donc je me suis don- née à fond pour le réaliser.
LES JEUX OLYMPIQUES, C’EST UN RÊVE QUI DEVIENT CONCRET AVEC CETTE MÉDAILLE D’ARGENT À TOKYO !
C’était génial ! En fait j’ai eu la déception de ne pas faire la première olympiade à Rio en 2016. Je me suis dit : ‘‘Ce n’est pas grave, continue à bosser et ça va venir un jour’’. Et c’est venu à Tokyo, l’été dernier. En plus, on savait qu’on pouvait faire un très beau résultat donc on a travaillé en- core plus. Faire les Jeux Olympiques et dé- crocher une médaille, c’est magnifique. À la fin de la demi-finale, j’ai hurlé, je crois que tout le stade m’a entendue (rires). C’était fou. C’est quelque chose qui me donne encore des frissons en y repensant aujourd’hui.
VOTRE MOMENT LE PLUS FORT EST LA DEMI-FINALE ET NON PAS LA FINALE CAR VOUS PERDEZ ?
Finir par une défaite est très frustrant. Mais le fait d’entrer sur le terrain pour la finale et d’entendre la Marseillaise au début du match, tout cela était extrêmement fort. On était déçu du résultat parce qu’on savait que l’on pouvait aller chercher la médaille d’or. Mais on va tout faire pour la décrocher à Paris.
PARTICIPER AUX JEUX OLYMPIQUES 2024 À PARIS EST-IL VOTRE PROCHAIN OBJECTIF ?
Si je suis en forme physiquement et que j’ai toujours ma place, le but est d’aller là- bas. Vivre des Jeux Olympiques à la maison serait fantastique. En plus, le rugby aura lieu au Stade de France, ça le serait encore plus.
QUE MANQUE-T-IL AU RUGBY FÉMININ POUR ÊTRE DAVANTAGE MÉDIATISÉ ?
Ça arrive. Tous les matches de l’équipe de France à XV sont diffusés maintenant, c’est déjà bien. À 7, c’est un peu plus compliqué parce que nos tournois sont rarement en France donc on a des horaires un peu tordus. Je pense que la médiatisation va se faire petit à petit en même temps que la professionnalisation. Si on veut avoir du rugby de très haut niveau comme le Top 14, il va falloir professionnaliser les filles parce que ce n’est pas en s’entraînant trois fois par semaine après une journée de travail que ça va venir. Actuellement, on est dans un cercle vicieux : tant qu’il n’y a pas de très gros matches, les sponsors ne viennent pas. Il faut changer ça.
COMMENT ÊTES-VOUS PERÇUE EN TANT QUE FEMME DANS UN SPORT CONNOTÉ MASCULIN ?
On va toujours avoir des gens sur les ré- seaux sociaux pour nous dire que notre place est à la cuisine mais il ne faut pas les écouter. Les jeunes rugbymen ont connu l’école de rugby avec des filles. Pour eux, c’est plus naturel de voir des filles jouer au rugby. Ils ne vont pas trouver cela étrange. Les gens en général eux aussi ‘‘s’habituent’’. Et c’est tant mieux !
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX PETITES FILLES QUI RÊVENT DE FAIRE CE SPORT ?
N’hésitez pas et faites-vous plaisir ! Il ne faut pas que cela soit une contrainte parce que le sport de haut niveau demande beaucoup de choix et d’abnégation, surtout pour les postes les moins en vue. On parle souvent des ailiers et de l’arrière parce qu’ils marquent des es- sais mais tous les joueurs sont aussi importants les uns que les autres. C’est ça le rugby, et c’est ce qui en fait un sport génial !
QUEL MESSAGE ADRESSERIEZ-VOUS À DES PARENTS DONT LA FILLE SOUHAITE JOUER AU RUGBY ?
Laissez-la faire, vraiment ! Les parents ont peur que l’on se blesse parce que le rugby a l’image d’un sport violent. Mais c’est un sport de combat. Et comme tous les sports de com- bat, il suffit d’apprendre la technique pour limiter les risques, et il n’y en n’a pas plus au rugby qu’au cyclisme. Donc laissez-les se faire plaisir car c’est un sport fantastique où l’on rencontre des gens adorables. Le rugby est une grande famille et votre fille peut y vivre de belles émotions !
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