Il est le pionnier du foot féminin en France. Mais à vrai dire, c’est encore plus que ça. Le président de l’Olympique Lyonnais a permis au football féminin de passer des caps, à Lyon et, par ricochet, ailleurs en France et en Europe. Coup de projecteur sur « JMA », l’homme d’affaires et dirigeant français qui a aidé à changer la vision du foot féminin.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°26 octobre-novembre-décembre 2022
Classé meilleur président de l’histoire du foot français en 2021 par France Football après avoir été distingué officier de l’ordre national du mérite en 2012 et officier de la Légion d’honneur en 2016, ce n’est pas rien ! Bien que ses méthodes soient jugées trop business par ses détracteurs, Jean-Michel Aulas n’en reste pas moins l’une des personnes les plus influentes du monde du football féminin.
Coup d’œil dans le rétro
Si l’on reprend la chronologie de la saga Aulas/OL, on sait qu’avant d’être passionné de football, Jean-Michel Aulas était tourné vers l’informatique. Il est entré tôt dans le monde des affaires, à 19 ans, en créant la société CEGID dont il est aujourd’hui encore président. Il a été poussé presque malgré lui par Bernard Tapie en 1987, alors président de l’Olympique de Marseille, sur la pelouse.
C’est cette même année qu’il prend la tête de l’OL, dont il est encore actionnaire principal à ce jour. Et comme il ne manque pas d’ambition, il crée en 2004 une section féminine professionnelle, qui devint le club le plus mythique du foot féminin, les Fenottes.
Avec huit ligues des champions à son actif, Aulas a bâti le plus grand club féminin du monde. Depuis une décennie, il récolte les fruits de son investissement. On se souvient de l’engouement dingue de la Coupe du monde féminine de 2019, le constat d’une montée en puissance fulgurante du foot féminin. Ainsi, JMA a aussi pris la présidence de la commission du football féminin de haut niveau au sein de la Fédération française au printemps 2022.
Point de départ des Fenottes : un objectif annoncé plus social que financier
Son ambition de départ : faciliter l’accès au foot professionnel pour les femmes, pendant que ses détracteurs lui reprochent sa vision football business côté masculin. JMA l’a toujours affirmé : au démarrage, miser sur les filles n’a pas été une tactique d’ordre financier mais plutôt un « investissement à caractère social », comme il l’avait expliqué à Europe 1 en juin 2019. Rapidement, il a trouvé des soutiens du côté de la FFF, l’ECA, l’UEFA et la FIFA. Il le sait, l’argent ne fait pas tout dans la réussite d’une équipe, et soutenir les filles est un état d’esprit.
Il déclarait en mai dernier à L’Équipe que « plus on rend le football féminin visible, plus les gens se rendent compte à quel point c’est un sport majeur, avec des athlètes qui méritent que l’on se lance dans la bataille à leur côté. » D’où lui vient cette envie ? Sans doute d’un de ses confrères, Laurent Nicollin, ancien président de Montpellier : « C’est probablement lui qui m’a donné envie de réussir, grâce au foot, à démontrer que la parité féminine, que la valorisation d’un ensemble, d’une institution, pouvait se faire aussi en matière de football par le football féminin » racontait-il à Jacques Vendroux et Cyrille de la Morinerie (Europe 1) en janvier de cette année.
Un homme porté sur la mixité
Que ce soit dans le sport, l’innovation numérique et autres : le président de l’OL a toujours fait preuve de mixité, arguant à Europe 1 que « les femmes au travail, au sport, ont des qualités que n’ont pas obligatoirement tous les hommes ». Il nous racontait d’ailleurs dans les colonnes d’un Women Sports de 2017 pourquoi avoir placé des femmes à des postes-clés : « Avant d’être président de club, je suis président d’une entreprise dans le domaine du digital qui fait appel à beaucoup de compétences féminines. Avec satisfaction. J’ai donc essayé, dans la gestion du club, d’appliquer cette stratégie qui fonctionne. On a cinq femmes intégrées au Conseil d’Administration de l’OL. (…) On essaie d’avoir des femmes dans les postes à responsabilité… Le Directeur financier du groupe est une femme par exemple. On ne le fait pas par conviction forcée. On le fait parce qu’on pense que c’est bénéfique pour le groupe. »
Il faut dire que tout jeune déjà, né de parents enseignants égaux à la maison, Jean-Michel a été éduqué en ce sens. « Dès le départ, j’ai compris la valeur des femmes et la confiance qu’une famille peut vous donner », racontait-il à The Athletic en mai dernier, média à qui il expliquait qu’au sein du club de l’OL, tout ne s’est pas fait du jour au lendemain : « Cela a nécessité, d’abord, un changement de mentalité à l’intérieur du club… un changement philosophique et culturel important car les fondations du club ancrées dans le milieu du football étaient extrêmement mal préparées et réticentes à l’émergence d’une équipe féminine moderne, engagée et performante. C’était un club exclusivement masculin qui n’était pas préparé à ça ».
Comment parvenir à cette évolution ?
Le président de l’OL n’a jamais douté, mais il avait ses raisons. « Le football féminin a beaucoup d’atouts : le temps de jeu effectif y est 10 % à 20 % plus important que chez les garçons ; il y a moins d’arrêts de jeu, de contestation, de simulation… », expliquait le dirigeant dans les pages de Libération à Rico Rizzitelli en juin 2019. Sa relation avec les joueuses aussi est singulière : « Il est très proche d’elles et je pense qu’il y a beaucoup plus de proximité, d’affection entre le président et les filles qu’avec les garçons », a écrit Nicolas Puydebois dans Tant qu’il y aura des Gones.
Aussi, Aulas a toujours tâché de rester positif. Lors d’une conférence autour de l’égalité fille/garçons organisée par Sport dans la Ville et Sport et Citoyenneté en 2021, il avait applaudi les valeurs défendues par le sport : « Nous menons au quotidien des projets pour mettre en avant le sport féminin. Nous essayons de prolonger ces aspects de mixité dans notre académie, le 1er centre de formation mixte. »
Et 15 ans après avoir insufflé cette vague féminine à Lyon, Aulas continue de maintenir le cap en mettant d’importants moyens derrière les féminines. Il a félicité la fédération de s’atteler à professionnaliser les clubs en profondeur et a encouragé les clubs tels que Manchester City, Chelsea, Juventus ou Bayern qui relancent ou créent des sections féminines.
Pour finalement s’affranchir des comparaisons
Être constructif, c’est aussi mettre fin à un système qui compare sport masculin et féminin ! « Ce sport doit s’inscrire dans la durée pour qu’il s’affranchisse de ces comparaisons », déclarait Jean-Michel Aulas dans Libération. Il n’a d’ailleurs pas rechigné à mettre en avant les féminines de l’OL tout en prônant l’égalité entre les deux sections au sein du club. Gageons que cette progression se poursuive et continue d’inspirer d’autres clubs et s’étendent à d’autres sports.