66 % des femmes déclarent en 2022 avoir un mode de vie sédentaire (source FFEPGV). Face à ce chiffre, Michel Cymes tire la sonnette d’alarme. Le médecin, connu pour ses activités d’animateur à la radio et à la télévision, nommé ambassadeur-santé de Paris 2024, est catégorique : il faut se mobiliser contre l’inactivité et la sédentarité. Qui plus est, chez la femme. PROPOS RECUEILLIS PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°26.
Flemme, procrastination, manque de temps, barrière psychologique… Nombreuses sont les raisons évoquées. S’il n’est pas nécessaire de se munir d’un crayon pour expliquer en quoi pratiquer une activité physique est primordial pour se maintenir en bonne santé, les chiffres sont « inquiétants ». Selon le baromètre 2022 de la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV), 66 % des femmes déclarent avoir une vie sédentaire, contre 56 % des hommes.
« Les études montrent que les femmes sédentaires et inactives sont en plus mauvaise santé que les hommes sédentaires et inactifs. Il y a un problème hormonal très certainement. Les femmes, à partir d’un certain âge, ne sont plus protégées par leurs hormones, après la ménopause. Leur état cardio-vasculaire est plus mauvais et se dégrade beaucoup plus vite », affirme Michel Cymes avant de poursuivre. « Il faut savoir aussi qu’il y a une baisse de 40 % de risque de cancer du sein chez une femme pratiquant une activité physique en comparaison à celle qui n’en pratique pas. Donc oui, le chiffre est inquiétant. »
Barrières psychologiques et culturelles
Avant d’embrasser le sport de toutes leurs forces, les femmes se heurtent souvent à une barrière psychologique. Un mur érigé dans leur enfance. «Regardez ce qui se passe dans les écoles. On pousse tous les garçons à faire du sport. On estime que c’est bien pour eux, que cela va les muscler. » Tout le contraire pour le sexe opposé : « une fille qui fait du sport, on estime que ce n’est pas forcément une fille qui va réussir dans la vie ». Un portrait tracé par Michel Cymes peu avantageux pour la société. Mais le pendant peut être tout autre. Pensé chez certaines comme une corvée, simplement indispensable à se sculpter une silhouette, le sport est vu chez les hommes principalement comme une source de plaisir.
Charge mentale trop importante ?
Il est vrai que la gent masculine est également concernée par le manque de temps. Mais il est clairement démontré que chez la femme, le tourbillon d’un quotidien sans répit est décuplé. Décuplé par une importante charge mentale, analyse l’animateur de l’émission « Les secrets du corps humain » sur France Télévisions. « Elles ont un problème de surcharge avec la vie familiale qu’elles gèrent souvent, par exemple. La femme va plus facilement culpabiliser à l’idée de prendre du temps pour elle et ne pas le consacrer à sa famille ou son enfant. » Elle accumule ainsi les to do lists et s’épuise. S’oublie. « C’est catastrophique. »
Plaisir indispensable
Michel Cymes est catégorique. « Ne pas bouger, cela réduit l’espérance de vie d’une part, et l’espérance de vie en bonne santé d’autre part ». 60 minutes par jour. C’est le temps d’activité physique minimum recommandé par l’OMS pour se maintenir en bonne santé. Et pour cause, les conséquences d’une nonactivité peuvent être dévastatrices. La sédentarité augmente notamment ce qu’on appelle les maladies de société comme l’hypertension, le diabète et le surpoids.
Le sport pour tenir la pression
Hommes et femmes en toute égalité ? Nous avons un boulevard pour réinventer nos sociétés. Mais la pression fait craquer beaucoup de femmes. Le constat est alarmant. Selon le baromètre du cabinet Empreinte Humaine, spécialisé en risques psychosociaux et qualité de vie au travail, 44 % des femmes sont en détresse psychologique, contre 33 % des hommes. Le sport apparaît alors comme le principal remède.
Celles qui arrivent à concilier vie professionnelle et vie privée ont souvent une chose en commun : elles se dépensent. « L’activité physique est l’un des meilleurs moyens de lutter contre la dépression et le stress. Quand vous luttez contre la sédentarité en faisant du sport, vous avez une bonne estime de vous-même. Il y a beaucoup de gens qui sont dépressifs, angoissés ou anxieux parce qu’ils ont une mauvaise estime d’eux-mêmes. Quand vous faites un effort, et quand vous vous bougez un peu les fesses vous monter l’estime de soi, et donc lutter contre la dépression. » Retrouver une belle hygiène de vie a pour effet domino de limiter la prise de poids pour Michel Cymes, « et quand vous n’êtes pas bien dans votre peau, vous n’êtes pas bien dans votre tête non plus ».
La médiatisation comme principal levier ?
Être sur tous les fronts. Répondre aux injonctions sans pitié de la société… Et si la réponse était d’abord dans l’éducation et la médiatisation ? Il est vrai qu’au cours de ces dix dernières années, on a noté une augmentation de l’intérêt général pour le sport féminin. Une aubaine pour l’animateur. « Il y a dix ans, le sport n’était pratiquement que masculin. Les enfants qui ont envie de faire du sport footballeuses ou d’autres femmes qui obtiennent des médailles. » Alors pour- 2024 pour porter ce combat ? « Il faut impérativement qu’on ait le plus de médailles féminines possibles aux Jeux Olympiques. Cela donnera envie aux petites filles de s’identifier et cela nous aidera à faire passer ce message », conclut Michel Cymes.
« On va compter sur les enfants pour faire bouger les parents… »
En 40 ans, les jeunes ont perdu un quart de leurs capacités cardio-vasculaires et donc leur capital santé. Conséquence, la sédentarité des enfants est devenue un réel problème de santé publique. En France, 80 % des enfants ne respectent pas les recommandations de l’OMS et de ses 60 minutes d’activité physique quotidienne. Forcément la question se pose, mais comment faire passer le message ? À travers des campagnes publicitaires ? Des tracts ? Pour Michel Cymes cela passe avant tout par l’éducation. « Avec Paris 2024, nous agissons pour faire adopter les 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école. Presque tous les établissements vont s’y mettre. » Ainsi, depuis septembre 2020, plus de 7 000 écoles volontaires ont mis en place ce dispositif. Soit plus de 21 000 classes concernées et près de 500 000 élèves.
L’objectif ? En plus de faire « bouger les gosses », lance, avec ses mots directs, Michel Cymes, le but est de faire de « l’éducation inversée. On va compter sur les enfants pour bouger les parents. S’ils apprécient le fait de faire de l’activité physique tous les jours à l’école, ils vont rentrer chez eux et aller voir leurs parents pour leur dire ‘Pourquoi toi tu bouges pas ?’ ‘Pourquoi on ne ferait pas si, pourquoi on ne ferait pas ça ?’ Et là, nous aurons gagné. Pour les parents, prenez conscience de la responsabilité que vous avez envers vos enfants. Leur donner le bon exemple. Vous êtes leur modèle. Ce qui veut dire ne pas être en surpoids, et ne pas être malade à cause de la sédentarité, bougez un petit peu », conclut l’animateur.
L’ambassadeur-santé français
Médecin retraité, Michel Cymes continue d’exercer ses activités d’animateur radio et télé.
En parallèle de la présentation du programme « Les Pouvoirs extraordinaires du corps humain » avec Adriana Karembeu depuis 2012, le talk-show « ça ne sortira pas d’ici » sur France 2 et la fiction « La doc et le véto », l’homme de 65 ans est désormais ambassadeur- santé de Paris 2024. Ce qui lui permet de poursuivre le combat de l’ouverture du sport à tous.
« Avec toutes les municipalités concernées, avec les communes, avec ce qu’on appelle les Terres de Jeux, nous développons le mobilier urbain actif, accessible à tout le monde. Le but est que les gens ne soient pas freinés par les restrictions budgétaires. Il y a aussi cette envie de développer la mobilité accessible. Plus il y aura de pistes cyclables sécurisées, plus les femmes comme les hommes iront travailler à vélo. Si toutes les femmes sédentaires et inactives commençaient par faire leurs 30 minutes de marche rapide dans la journée, ou 30 minutes de vélo pour aller au boulot, ce serait déjà bien. Elles y prendraient goût et tout le reste suivra ! »