Président de la Fédération française de basketball (FFBB) depuis 2010 (et jusqu’en 2024), Jean-Pierre Siutat se définit lui-même comme « issu du basket féminin ». Cofondateur puis entraîneur du club féminin de Tarbes dans les années 1980, président de la Ligue féminine de basket-ball entre 2001 et 2009, Jean-Pierre Siutat n’a pas à démontrer son implication totale pour la place des femmes dans son sport. Pourtant, c’est avec certaines nuances très pertinentes qu’il aborde la question de la promotion des femmes dans les instances dirigeantes. Explications. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID TOMASZEK. Extrait du WOMEN SPORTS N°26.
WOMEN SPORTS : COMMENT FAIRE EN SORTE QUE DAVANTAGE DE FEMMES ACCÈDENT AUX POSTES À RESPONSABILITÉS DANS LES INSTANCES SPORTIVES ?
Jean-Pierre Siutat : Vous savez, moi je « viens du basket féminin ». Depuis la cour de récréation où j’étais encadré par mes cousines ! J’ai imposé le basket féminin dans le Sud-Ouest, une région très rugby. J’ai fondé et entraîné le club féminin de Tarbes puis dirigé la Ligue féminine de basket. Je me suis toujours entouré de femmes. Mais mon credo est clair : je suis contre la féminisation pour la féminisation. Je suis pour la mixité. La mixité de genre, mais aussi la mixité sociale. Tout ce qui permet à la société de s’enrichir de la différence. Je suis sur ces bases depuis le début. Et donc au-delà de mon attachement au développement du basket féminin, qui représente aujourd’hui un peu plus de 200.000 licenciées, c’est vraiment vers cette mixité que je fournis mes efforts.
COMME TOUTES LES FÉDÉRATIONS, LA FFBB A MIS EN PLACE UN « PLAN DE FÉMINISATION ». CONCRÈTEMENT, QUELLES EN SONT LES MESURES-PHARES ?
Nous avons quatre grandes familles de licenciés : les joueurs(ses), les officiel(le)s donc les arbitres, les technicien(ne)s c’est-à-dire les entraîneur et éducateurs, les dirigeant(e)s. Nous avons œuvré pour chacune de ces familles, avec des mesures pragmatiques. Pour les joueurs, il s’est agi depuis de nombreuses années d’accorder exactement le même traite- plus jeune âge. Pour les arbitres, nous avons dû en passer par de la discrimination positive. Nous avions de nombreuses jeunes candidates pour devenir arbitres, mais beaucoup de déperdition en chemin. Victimes d’incivilités, les jeunes arbitres féminines étaient nombreuses à perdre la vocation. Alors nous avons créé un groupe spécifiquement dédié aux femmes avec moins de freins que dans la filière traditionnelle. Aujourd’hui, nous avons plusieurs arbitres féminines internationales. En ce qui concerne les techniciens, je concède qu’il y a encore du travail. Je souhaite féminiser le staff des équipes de France. Pas pour « faire beau sur la photo », mais parce que la mixité est une richesse et qu’il faut des modèles pour susciter des vocations. Valérie Garnier a eu un palmarès exceptionnel à la tête de l’équipe de France féminine. Il nous faut faire émerger d’autres figures féminines parmi nos entraîneurs nationaux. Enfin, reste le cas des dirigeants. Il faut sortir du schéma caricatural existant dans bon nombre d’associations : un président homme, une secrétaire générale femme. Nous respectons à la FFBB des statuts qui imposent la proportionnalité : nous avons 35 % de licenciées, donc nous veillons à avoir 35 % de femmes dans nos comités directeurs. Nous avons par ailleurs trois brillantes vice-présidentes à la fédération, avec des portefeuilles-clés. Nous animons également une commission « Société & Mixité » qui aborde tous ces sujets et bien d’autres. Nous avions par exemple adopté la charte de la monoparentalité et réfléchi à des mesures concrètes pour soutenir les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Plus globalement, nous mettons tout en oeuvre pour former des dirigeantes féminines et susciter des vocations.
LA LOI DU 2 MARS 2022 VISANT À DÉMOCRATISER LE SPORT VOUS IMPOSE D’ALLER ENCORE PLUS LOIN AVEC UNE PARITÉ HOMMES/FEMMES À COMPTER DU 1ER JANVIER 2024. UNE BONNE NOUVELLE OU UN EXCÈS D’INTERVENTIONNISME ?
Je déplore que tout soit réglementé à ce point. Je déplore cette volonté de « laver plus blanc que blanc ». Cette loi part d’une bonne intention mais va poser de nombreux problèmes concrets. Du reste, les décrets d’application ne sont pas connus et rien n’est clair sur les modalités de cette parité forcée. J’ai soutenu l’élection de Brigitte Henriques à la présidence du CNOSF et la mixité volontariste qu’elle propose. Je crois en nôtre capacité, au sein du mouvement sportif, à faire avancer cette cause. Mais si l’on impose les choses, des problèmes de gouvernance sont à craindre. Tous sports confondus, ce sont quelque 3 000 femmes à trouver dès 2024 pour atteindre cette parité dans les instances dirigeantes. Attention à ne pas commettre d’impairs ou d’injustices au nom de la bonne volonté.