Le monde de la montagne peut-il se féminiser ? À cette question, Julia Virat répond par son abnégation. La montagnarde s’est longtemps battue pour se faire une place dans un univers très masculin. Rencontre avec la guide de haute montagne, aujourd’hui à l’affiche du film « Des femmes au sommet ». PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°27.
Elles sont guides de haute montagne, skieuses, monitrices d’escalade. Elles sont Julie Virat, Clémentine Junique, Valérie Chauvet. Des femmes inspirantes qui font bouger les lignes en partageant leur amour pour les cimes. Ces trois montagnardes sont au programme du film « Des femmes au sommet ». Un projet né dans l’esprit de la réalisatrice Alice Khelifa. « Elle souhaitait réaliser trois portraits croisés de femmes qui ont décidé de profiter de la montagne pour s’émanciper, et accompagner d’autres femmes dans leur émancipation, résume Julie, avant de poursuivre. Au début, j’ai pas mal hésité, j’avais l’impression de ne pas être assez légitime. » Des réticences vite écartées. « Alice a su me rassurer en mettant en avant l’un de mes gros engagements qui est le partage », conclut la femme de 39 ans.
Professeure Julia
30 femmes pour 1 800 hommes. C’est le ratio des guides de haute montagne en France. Une problématique chère au coeur de l’alpiniste. « Que tous les jours je ne paraisse pas crédible en montagne, ça me blesse. Comment ça se fait que, moi, je dois faire mes preuves du matin au soir ? » lance Julia. Alors, pour que les femmes s’y imposent, cassent les barrières et les freins qu’elles y rencontrent, l’alpiniste fait tout pour être un point d’ancrage pour les autres.
« L’une des facettes de mon travail c’est de former des jeunes femmes. » Julia est embauchée par la fédération FFCAM (clubs alpins de montagne) afin de suivre ses élèves dans leur objectif de devenir premières de cordée. « C’est-à-dire de ne plus avoir l’habitude de suivre un compagnon masculin, mais au contraire de former des cordées exclusivement féminines, explique-t-elle avant de pour- suivre. L’objectif c’est qu’elles soient entièrement responsables d’une sortie en montagne. Je les forme sur le point tech- nique, mais aussi mentalement. J’essaie de les aider à prendre confiance en elles, à faire avec ce qu’elles ont, à savoir sou- vent beaucoup d’émotions et de doutes. En leur montrant que ce n’est pas parce que nos émotions sont plus présentes, que nous ne sommes pas capables de gérer. »
S’émanciper en haut des cimes
En plus de son rôle de formatrice, Julia est guide de haute montagne depuis 2017. Un métier qui lui permet d’« emmener les gens réaliser leur rêve », mais pas que. Jamais rassasiée d’aventures et de voyages elle fait de la montagne un outil d’émancipation. « Les big walls, les ascensions… C’est cela qui me nourrit », assure l’alpiniste. C’est en 2018 qu’elle se lance un défi complètement fou : gravir El Capitan en solo. 11 jours et 914 m plus tard, la voilà sur la plus connue des parois de la vallée de Yosemite aux États-Unis. L’exploit est immense. « Je passe peut-être 300 jours dans la nature par an. Je suis remplie de paysages, de moments partagés, d’émotions vécues. Imaginez une montagne sauvage avec des éléments hostiles comme le froid ou le vent. Puis un coucher ou un lever de soleil et des personnes avec qui partager tout cela… Vous avez le portrait de tous mes plus beaux souvenirs », sourit Julie.
Une guide de haute montagne à la conquête des mers
Des rêves à réaliser, ce n’est pas ce qui manque à Julia Virat, on s’en doutait. « Après 20 ans de projets exigeants en haute montagne, j’avais envie de changer un peu d’air » (rires). Alors son regard s’est tourné vers la course au large… « J’ai participé en 2021 à la Transat Jacques Vabre, qui est une course en double, et en 2023 je serais égale- ment de la partie », explique la nouvelle navigatrice. Avant de pouvoir traverser l’océan, en solitaire.
Festival Femmes en montagne
Les amoureux de cinéma et de montagne se régalent pendant le festival de films Femmes en Montagne. « C’est un événement qui prend de plus en plus d’ampleur. Il a énormément évolué depuis sa première fois », assure Julia. Créé par l’association « On n’est pas que des collants », le rassemblement a pour volonté de promouvoir et de médiatiser la pratique des femmes et la mixité dans les sports de montagne et d’outdoor.
L’édition 2022 a eu lieu en novembre à Annecy et Talloires. « Des femmes au sommet », prenait place parmi les 28 films à l’affiche. Mais le Festival Femmes en Montagne continue toute l’année. L’équipe organise des interventions en collèges et lycées avec présentation de films du festival et échanges avec les scolaires sur les thématiques du genre dans le sport. Ce projet, soutenu par l’Agence nationale du sport dans le cadre du projet Impact 2024, prévoit de toucher 800 à 1 000 jeunes.