En sa qualité de vice-Présidente du CNOSF en charge de Paris 2024 et de la Mixité, Marie- Françoise Potereau est la principale instigatrice et animatrice du « Club des 300 », qui vise à mener 300 femmes à des postes à responsabilité au sein du mouvement sportif à l’horizon 2024. « Ce programme est un précieux outil au service de la mixité dans les instances sportives, avec l’ambition de construire cet équilibre femme-homme dans le sport », nous explique-t-elle. C’est aussi un accomplissement dans la droite ligne d’un combat mené de longue date. Car Marie-Françoise Potereau incarne mieux que personne la lutte pour la parité dans le sport. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID TOMASZEK. Extrait du WOMEN SPORTS N°27.
WOMEN SPORTS : VOTRE PARCOURS PERSONNEL EXPLIQUE EN GRANDE PARTIE VOS ENGAGEMENTS POUR LA FÉMINISATION DU SPORT, LA PARITÉ ET LA MIXITÉ. POUVEZ-VOUS NOUS EN RACONTER LES MOMENTS FORTS ?
MARIE-FRANÇOISE POTEREAU : J’ai grandi à Aix-les-Bains en Savoie, dans un environnement très sportif. Et j’ai été confrontée très jeune aux barrières qui s’opposaient aux femmes dans le monde du sport. Mon père était entraîneur d’aviron, mais ne voulait pas de filles dans son club, prétextant que les vestiaires n’étaient pas adaptés. Je me suis donc orientée vers d’autres sports : le ski de fond d’abord puis surtout le cyclisme. J’ai intégré l’équipe de France et disputé les cinq Tours de France féminins en 1984 et 1989. Le format était très différent du Tour de France Femmes créé l’an dernier : nous disputions à l’époque les 60 derniers km de chaque étape du Tour de France Hommes. J’ai ensuite souhaité m’orienter vers une carrière d’entraîneure, mais en 1992 le concours de professeur de sport option cyclisme n’était pas ouvert aux femmes : j’ai dû attendre quatre ans ! Ce « syndrome de la sur-exigence », je l’ai ensuite vécu lorsque je suis devenue la première femme cadre technique régionale (CTR), puis DTN adjointe de la Fédé- ration française de cyclisme (FFC). Il fallait à chaque fois que je démontre davantage que les hommes mes compétences pour obtenir des nominations. Du reste, je n’ai pu accéder au poste de DTN en cyclisme. J’ai donc accepté l’offre de Luc Tardif qui m’offrait ce poste à la Fédération française de hockey sur glace : ce président était d’origine canadienne, il avait une culture nord-américaine de l’ouverture aux femmes à des postes à responsabilité. J’ai parallèlement suivi une formation de coach personnel : j’ai désappris pour apprendre sur moi-même. Je crois beaucoup à l’accompagnement pour prendre de l’assurance. Les femmes en ont besoin. Ce sont ces expériences et ces convictions qui m’ont menée vers les combats que j’ai portés en tant que présidente de l’association Femix’Sports, pendant 8 ans, et aujourd’hui en tant que vice-présidente de la FFC, vice-Présidente du CNOSF en charge de Paris 2024 et de la Mixité et vice-présidente de la commission « Gender Equality, Diversity & Inclusion » des Comités olympiques européens (COE).
QUELLE EST LA GENÈSE DU « CLUB DES 300 » ?
Après son élection à la présidence du CNOSF, Brigitte Henriques m’a sollicitée pour prendre en main le sujet de la mixité. Elle avait déjà expérimenté un tel dispositif à la Fédération française de football (FFF) avec le « Le Club des 100 Femmes Dirigeantes ». Ce « Club des 300 » est parti d’un constat simple. Le CNOSF a lancé une enquête sur la composition des instances dirigeantes des fédérations. Cette dernière a révélé que 300 postes devraient être occupés par des femmes pour atteindre la parité, rendue obligatoire d’ici 2024 par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Former un dirigeant sportif, qu’il soit homme ou femme, nécessite du temps. Nous avons donc pris ce problème à bras le corps avec ce dispositif très pragmatique qui vise à recenser et accompagner ces 300 futures dirigeantes. Nous avons pris l’engagement d’identifier, valoriser et accompagner toutes les candidates qui souhaitent accéder à des postes à responsabilité. Nous avons contacté chaque fédération pour qu’elle nous propose des candidates, puis lancé un appel à candidatures ouvert. Nous avons recueilli 474 candidatures (donc plus que l’objectif de 300) et nous nous faisons fort de toutes les accompagner.
EN QUOI CONSISTE CE PROGRAMME D’ACCOMPAGNEMENT DE CES FUTURES DIRIGEANTES SPORTIVES ?
Une première promotion de 150 femmes a été sélectionnée. Les lauréates bénéficient d’un programme d’accompagne- ment avec des sessions d’accompagnement en e-learning et en distanciel. Ce programme en ligne a été construit avec la coopération d’Olbia Formation. Sont en outre prévus des temps de rassemblement et de mise en réseau. La question de l’accompagne- ment et du coaching est fondamentale. Et cette notion de « réseautage », c’est quelque chose que nous, les femmes, ne savions pas très bien faire. Sur le modèle des clubs de dirigeantes d’en- treprises, et en collaboration avec ceux- ci, nous devons progresser sur ce point. Une seconde promotion de 150 femmes sera intronisée la saison prochaine pour atteindre ce cap des 300. Et nous ne laisserons personne au bord de la route : toutes les candidates seront suivies.
LE DÉLAI QUI NOUS SÉPARE DE CETTE ÉCHÉANCE DE 2024 EST FINALEMENT ASSEZ COURT. Y A-T- IL UN RISQUE QUE CE CHALLENGE NE SOIT PAS RELEVÉ DANS LES TEMPS ?
C’est vrai qu’on peut déplorer de ne pas avoir lancé plus tôt, à une telle échelle, un programme aussi ambitieux. Des expérimentations existent depuis plu- sieurs années. En tant que présidente de Femix’Sports, j’ai signé des conventions de formation pour des femmes dirigeantes avec plusieurs régions. De son côté, Brigitte Henriques a lancé « Le Club des 100 femmes dirigeantes » à la FFF, que nous avons évoqué plus haut. Aujourd’hui, avec la perspective des Jeux de Paris 2024 qui seront paritaires, il y a une prise de conscience nationale et un « timing » qui est évidemment bien plus favorable. Alors oui, le délai est court. Mais en même temps aller vite, sous la contrainte, c’est peut-être nécessaire pour avancer. Quel est le risque ? Qu’il y ait ici ou là des femmes placées par dé- faut pour « faire le nombre ». C’est possible. Mais vous savez, dans l’histoire du mouvement sportif, il y a aussi souvent eu des hommes placés par défaut (rires). Le Covid a dérangé la société, à nous de la dégenrer ! D’ailleurs, le confinement a aussi eu la vertu de démocratiser la pratique des visioconférences. Pour des femmes qui ont des agendas compliqués, des enfants à charge, c’est un outil qui aide considérablement à prendre part à des réunions, et donc à s’engager dans des responsabilités associatives. Le délai est court, mais l’environnement est particulièrement favorable pour relever ce challenge !
Le club des 300, en bref !
Véritable composante du programme Mixité du CNOSF, ce dispositif a pour vocation d’accompagner des femmes aux fonctions de dirigeantes du mouvement sportif, au moyen de sessions en e-learning et en distanciel, de temps de rassemblement et de mise en réseau dans un esprit de promotion et une convivialité nécessaire à la réussite de cette action. Trois blocs de compétences ont été définis : mieux se connaître pour bien manager, acquérir les compétences nécessaires au poste de dirigeante et développer la connaissance du secteur sport.