À tout juste 21 ans, Maelys est technicienne d’atelier et encadrante au club WeRide de Vaulx-en-Velin, à l’Est de Lyon (Rhône). Sana, 12 ans, s’y entraîne sans relâche. Qu’est-ce que ces deux-là partagent ? Qu’est-ce qui les anime dans le BMX, alors qu’elles ont près de 10 ans d’écart ? Comment évoluent-elles dans un milieu où très peu de femmes s’osent ? Immersion en interview croisée.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°23 d’octobre-novembre-décembre 2021
Women Sports : comment avez-vous découvert le BMX ?
MAELYS : Depuis toute petite, j’ai pratiqué plein de sports différents – gym, athlétisme, basket, natation, etc. C’est à mes 11 ans que je m’essaye au vélo dans un club chez moi, à Vienne (Isère). Le vélo de route d’abord, pendant 4 ans. Je passe un jour à côté d’un skatepark, et vois un groupe de garçons faire du BMX. Plus qu’intriguée, j’ai fait des jobs d’été pour me payer un BMX. Et j’ai commencé à m’y mettre sérieusement.
Au départ, j’attendais que le skate-park se vide pour pouvoir y aller sans sentir le regard des autres se poser sur moi. On m’a ensuite parlé d’un parc à Lyon. Encore mineure à l’époque, j’ai demandé à ma mère de m’y emmener. Je suis revenue plusieurs fois seule, en train depuis Vienne, les dimanches matins pour m’entraîner. Puis, j’ai découvert le club WeRide à Vaulx-en-Velin, en regardant des vidéos de mon idole qui était venue rouler. J’ai fini par être embauchée ici, en septembre dernier.
SANA : J’ai découvert le BMX un peu par hasard, en regardant une vidéo sur YouTube. C’est vraiment ça qui a été le moteur. Et si au départ je louais un vélo au club, maintenant, mes parents m’en ont acheté un.
Et la place des filles dans votre sport ?
MAELYS : Quand je m’entraînais, étant plus petite, j’étais la seule fille alors qu’en club de BMX race, il y a plus de filles que ça. Étant timide, ce n’était pas toujours évident. Mais c’était gratifiant aussi : les coachs dans les cours en club étaient contents d’avoir un peu de féminines dans leurs sessions. Alors que dans ma tête, je me disais juste « C’est bon, je suis une fille, c’est juste normal. »
Dans le travail aussi, aujourd’hui, en tant que technicienne, j’ai toujours été la seule femme. Lors d’une précédente expérience au sein d’une boîte de e-commerce de vélo, j’ai pu évoluer grâce au chef d’atelier. Très ouvert et passionné par la mécanique, il m’a tout appris. Alors que, pour le manager, j’étais plus là pour des questions de quota dans l’entreprise, mais tant mieux pour moi…
Et en arrivant à WeRide, en tant que pratiquante, c’est un « grand » qui m’a appris à me faire aux rampes d’ici. Il faut dire que j’ai découvert de gros modules pour lancer des figures ! Et encore aujourd’hui, à l’atelier, certains sont surpris : « Ah c’est vous qui allez réparer le vélo ? » Alors je place quelques mots techniques pour tout de suite asseoir le fait que je sais de quoi je parle (Maelys est titulaire du titre de conseiller technicienne cycle et d’un BPJEPS activité cyclisme, NDLR).
SANA : Alors que moi, je ne suis pas timide donc ça ne m’a jamais posé problème d’être qu’avec des garçons pendant les sessions.
MAELYS : Quand je vois la différence de perception entre Sana et moi, je me dis qu’en la matière, ça a bien évolué en quelques années !
SANA : Mais quand-même, entre garçons et filles, on note des différences. Eux auront tendance à être plus tête brûlée, quitte à aller s’éclater au sol, quand nous, on sera parfois plus réfléchies, en connaissance de nos capacités, avant de se lancer.
Quelle est votre réussite dans le BMX aujourd’hui ?
MAELYS : Faire preuve d’une détermination sans faille, et être portée par une grande envie de rouler, de lâcher le vélo et de prendre de la hauteur ! D’ailleurs, mes amis me lancent souvent « Ah ouais, c’est quand-même lourd ce que tu lances ! »
Ma mère m’a beaucoup accompagnée. Étant donné qu’elle est enseignante, j’ai pu lui demander conseil pour savoir comment tenir un enfant de 5 ans et le faire progresser de façon ludique. C’est surtout à partir de là qu’elle a commencé à s’intéresser à ça.
SANA : Moi, ce serait de réussir un nouveau truc, d’être dans cette ambiance où tout le monde s’entraide. C’est tout ça qui m’a aidé à prendre confiance en moi. Pour ça, ma famille, mes proches m’encouragent, me motivent. Je vois encore le regard de mon papa au loin sur la piste. Je lis dans ses yeux la fierté.
Qu’est-ce que ça te procure le BMX ?
MAELYS : Une sensation de prendre de la hauteur, mais aussi un haut le cœur quand tu arrives en haut. Cette panique quand tu lances une nouvelle figure… Et puis il y a toute cette bienveillance. Et pour aller plus loin, avant de se quitter…
SANA : J’aimerais apprendre toujours plus de figures, et pour ça, je ne suis pas prête de m’arrêter là !
MAELYS : J’ai longtemps eu du mal avec les compétitions. Dans une compet’ de vélo de route étant plus jeune, j’entends encore la voix de l’entraîneur d’une compétitrice lui hurler « Fais-la sortir de ta roue » et me faire un crochet sous le nez. Je suis là pour me dépasser, pas pour casser les autres. J’ai refait une compétition, en BMX, un peu plus tard. J’avais l’impression que les cinquante participants (tous des garçons) me jugeaient, jetant des « Pourquoi elle fait la compet’ elle ? ». Je me suis donc laissée gagner par l’émotion au premier tour, mais au second tour, j’ai fait volte-face et me suis dit « Ok, là je m’en fiche, je donne tout ! » Je leur ai cloué le bec et j’avais réussi à passer sans me faire mal !
Aujourd’hui, j’aimerais faire de la compétition plus sérieusement, avec des sponsors. J’espère aussi que la pratique sera de plus en plus médiatisée.