Présidente du comité Auvergne-Rhône-Alpes de la Fédération française de cyclisme (FFC), Christelle Reille nous donne sa vision de l’égalité femmes – hommes dans le milieu du vélo. Elle analyse le chemin parcouru… et les combats qu’il reste à mener.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°23 d’octobre-novembre-décembre 2021
Women Sports : vous vous êtes fait une place de choix dans un monde d’hommes, comment avez-vous vécu et parlé de cela ?
Christelle Reille : J’avais choqué lors de ma première assemblée en tant que présidente du comité Auvergne Rhône-Alpes de la FFC, en disant que j’en n’avais rien à faire d’être la première femme à présider ou la seule. J’avais précisé que j’étais là pour travailler, que je n’étais pas élue en tant que femme. Je ne veux pas qu’on me présente comme un extra-terrestre.
L’anomalie, ce n’est pas moi. C’est aux autres comités qu’il faut poser la question pourquoi je suis la seule femme à ce poste. Mais ma vraie fierté, c’est d’être la présidente du plus gros comité de France comprenant 300 clubs !
Durant votre carrière, comment s’est faite votre place en tant que femme ?
J’ai eu un parcours dans l’arbitrage, des fonctions liées à l’organisation de courses cyclistes, etc. Et je pense avoir été propulsée parce que j’étais une femme. Au début du XXIe siècle, les instants ont enfin compris qu’il fallait se moderniser, passer à autre chose. Quand on est venu me chercher, à la fédération, c’était dans un but de féminiser les équipes. Si j’avais été un homme, je serais certainement restée dans un coin.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez réussi d’après vous ?
Ma famille, mes amis, me disent que ma force, c’est aussi de ne pas me poser trop de questions et de foncer. Il me semble que les autres femmes de mon milieu s’en posent trop. Il faut accepter cette part de risque.
Mais les femmes à la recherche d’excellence ne supportent pas l’échec. Ce qui les empêchent de saisir l’opportunité d’accéder à certaines fonctions ou activités encore trop masculines. Je n’ai pas vu autour de moi de femmes à qui on aurait fermé la porte quand elle a manifesté une volonté d’engagement en tant que dirigeante.
D’après moi, ce sont plus des arguments de blocage que des blocages réels, comme le fait de ne pas vouloir mettre ses enfants en difficulté, d’aller au bout de son projet professionnel… Alors qu’en politique, c’est l’inverse, le plafond de verre existe encore.
Les choses évoluent-elles dans le bon sens selon vous ?
Avec Marie-Françoise Potereau, vice-présidente de la FFC, du CNOSF, en charge de Paris 2024 et de la mixité, nous avons une génération d’écart. Elle a connu des moments plus difficiles en termes de sexisme et de propos d’accueil. Aujourd’hui, je ne vois aucun indicateur purement négatif.
Dans le détail, côté sportives de haut niveau, les genres sont considérés comme à égalité, grâce aux fédérations et au ministère. Quant aux écarts de salaire et de statut en France, j’ai confiance pour que cela tende à se lisser.
Côté femmes dirigeantes, dont je fais partie, l’évolution est assez nette. Il y a de plus en plus de présidentes de comités départementaux et nationaux. À l’échelle régionale, ça bloque encore mais il n’y a pas d’obstacle majeur.
Beaucoup de femmes s’investissent, comme dans l’arbitrage, mais elles sont encore trop peu nombreuses à évoluer. Parce qu’une fois encore, elles se disent que si elles échouent, elles seront moquées, ou bien qu’elles n’ont pas le temps avec leur vie de famille. Parce qu’encore aujourd’hui, l’organisation familiale repose beaucoup sur les femmes. Reste à savoir quand est-ce que les femmes accepteront qu’il n’y a plus d’obstacles, ou n’en créeront pas elles-mêmes ?
Côté pratique loisir ou compétitions régionales, on progresse lentement. Les clubs de vélo ne sont peut-être pas encore assez à l’aise pour accueillir suffisamment de jeunes filles. Notamment chez les ados et pré-ados. Il y a des différences physiques évidentes aux mêmes âges, mais les clubs ont du mal à organiser des entraînements spécifiques.
Mais il y a des structures très volontaires qui s’organisent pour garder les filles motivées, et tout faire pour qu’elles ne se sentent pas le boulet d’un groupe, à l’image du nouveau club de la Tour du Pin (Isère), qui compte pas moins de 50 adhérentes pour sa première année d’existence.
Où est-ce que le bât blesse alors Christelle Reille ?
La formation d’éducateur sportif. Il n’y a encore rien de concret pour entraîner correctement les femmes. Je ne crois pas à l’idée selon laquelle il faut que des femmes entraînent des femmes, car il faut une mixité d’approche et d’expérience mais je parle là d’un problème de manque de notions dans la formation de tous les éducateurs.