Eh, c’est Marseille bébé, là où le concept d’Afrovibe a vibré initialement, et là où vit son instigatrice…Encore un nouveau concept, vous allez nous dire. Attendez avant de tourner la page, un monde vibrant est prêt à se dévoiler sous vos pieds… Chargé d’histoires, de celles de sa créatrice et de ses professeurs, l’Afrovibe risque fort de vous coller à la peau. Des good vibes communicatives : ça semble être le leitmotiv de Maryam et sa troupe, et ça se ressent pleinement ! On y va…
Par Léa Borie, Extrait de Women Sports magazine n°34 octobre-novembre-décembre 2024
PHOTOS : JM RANAIVOSON ET ANIS HASSENI
Ce jour-là, Jessica Apollonio, la prof de danse, entre dans la salle, et nous annonce qu’elle a une surprise. Elle se retourne et tend le bras vers un confrère en s’exclamant : « J’ai pris sous mon bras Momo », venu avec ses instruments pour une ambiance musicale live endiablée. Tout de suite, Jessica met à l’aise les participants, tout le peut y arriver en descendant bien bas dans les cuisses pour faire chauffer le booty. On commence l’échauffement en cercle. Jessica explique ce sur quoi on va travailler, la taille, les cuissots, les bras. Woh ! Au moment de passer sur le haut du corps, comment ne pas flancher : au début, ça crame ! On commence à comprendre le principe, une petite chorégraphie se met en place, de sorte que tu te rends (à peine) compte que tu te dépenses sévère. Mais attention, Jessica met en garde : ici, pas de jugement, de valeur, de classe, de couleur. Non, ici on est tous égaux. Une jeune femme se démarque au premier rang par une maîtrise parfaite des mouvements, je dois le dire. Jessica ne se privera pas de la faire applaudir par tous les participants. C’est ça la good vibe, tout en sororité. Place à la théorie, lisez bien, après c’est à vous !
Une danse afro qui fédère
Sur le papier, on peut vous dire que c’est un combiné de choré, de danse fitness inspirée des danses afro-descendantes et de lâcher-prise. Pour la pratique, ça se danse en plié, ancré dans le sol façon squats pour un spécial cuisses/fessiers à la sauce Afrovibe workout, connecté à la terre, à la musique, à son corps et surtout à son bassin. On va ainsi venir libérer le stress par les hanches, améliorer sa coordination (oui oui !), se tonifier. Prônant le métissage et le multiculturalisme autour des danses afro, c’est un très bon moyen d’améliorer son estime de soi et de combattre les stéréotypes. Cours dispensés par des boules d’énergie : attention chaud devant ! Le style de l’Afrovibe est imprégné de la culture africaine, inspiré des danses africaines mais aussi afro-caribéennes et afro-brésiliennes. Mais attention, ne vous y trompez pas, on ne parle pas de technique ici, mais bien de partage d’énergie positive en musique. « Tout le monde veut faire de l’Afro. Là, je propose un voyage, musical et gestuel de l’Afrique, de Trinidad à la Réunion en passant par le Congo », pose sa créatrice, Maryam Kaba.
Un cours d’une heure est jalonné de plusieurs étapes crescendo : un échauffement, une partie renforcement musculaire en dansant, un passage plus cardio pour apprendre une choré en additionnant progressivement les pas, celle-ci change tous les deux mois avec sa playlist. S’en suit une phase de renfo ciblée abdo/taille dansée avant de repartir en choré, et de terminer sur un renfo des bras et du dos, façon dancehall et voguing. La tradition veut que le cours se termine en mode couloir défilé pour se donner de la force avant le retour au calme.
Pour des profs au top, une fois la licence de 300 € annuelle réglée, des « teacher trainnings » de perfectionnement de danses afrodescendantes sont possibles – sessions de dancehall, afro-brésilien, hip hop, soca dance…
Maryam Kaba : un bassin et un esprit articulés
Maryam Kaba, à l’origine du concept, est une ex championne de France de GRS, féministe antiraciste avouée. La femme au bassin et au fessier sur ressorts veut partager sa joie dans le respect et le vivre ensemble. Initialement, elle était accompagnée d’une consœur pour mettre sur pied un concept qu’on peut rapprocher de la zumba.
A une différence près : « on ne sortait pas d’école de commerce, on était deux banlieusardes de région parisienne, moi franco-ivoirienne et mon associée guadeloupéenne-martiniquaise. On a appris sur le terrain. » Un terrain fructueux puisqu’à son retour de Rio en 2017, Maryam s’installe à Marseille et compte désormais sur une équipe de 100 profs formés, engagés dans les sujets qui touchent à la danse thérapie, l’inclusion, la solidarité, l’amour de soi et le respect des autres.
« L’Afrovibe est déjà ma thérapie à moi. Ce n’est pas juste une danse fitness : tu reprends possession de ton corps, tes mouvements, ton identité. C’est un espace où exprimer sa colère. Et de la colère, j’en ai eu, beaucoup, contre le patriarcat, le sexisme, le racisme… La puissance du collectif permet de fédérer pour se changer et changer l’autre. ». Si fédérateur qu’aujourd’hui Maryam pilote la gestion de l’école de formation de professeurs mais aussi les séjours évènementiels, ainsi que les évènements en entreprises, sans compter sa casquette d’artiste au Ballet national de Marseille !
Pour ça, elle peut compter sur la famille qu’elle s’est constituée. « Tous les profs, on se rejoint, malgré nos différences : ils ont des valeurs de vie qui me touchent. Chacun a à apporter. Chaque jour je remercie l’univers, ça me réconcilie avec l’humain. »
Interview Jessica Apollonio, prof d’Afrovibe convaincue
WOMEN SPORTS : Pourquoi avoir tenté l’Afrovibe ?
Jessica Appolonio : Je danse depuis mes 19 ans, au début en ragga jam dancehall, puis en tant que prof, à 25 ans, munie de mon BPJEPS métier de la forme, à l’époque où la zumba cartonnait. Mais tu t’ennuies vite. Alors là, à 38 ans, je savoure la découverte de l’Afrovibe, que j’ai vécu comme une révolution ! On se sent encadré, formé. J’ai découvert le concept sur le Mucho Bueno Festival, le rendez-vous latin’afro caribbean fitness dance, avec Queensy, grande danseuse parisienne, ambassadrice d’Afrovibe. En creusant, j’ai vu que Maryam allait loin dans ses propos, ça m’a permis d’affirmer ma personnalité, sans être obligée d’être guindée dans sa petite tenue et bien gaulée.
Qu’est-ce qui t’a tout de suite plu dans l’Afrovibe ?
Il reprend toutes les danses afro-descendantes en mélangeant les danses sans code préétabli. On cherche juste à transpirer dans la bonne humeur. Même dans la pédagogie, le fait de commencer en cercle, de se regarder, de se checker en arrivant, montre la force de la communauté ! Etant une animatrice sportive avant d’être une prof de fitness, j’aime amener ce lâcher-prise aux gens. D’origines algérienne et italienne, j’ai toujours aimé danser, ma maman, mes tantes, respiraient cette liberté en dansant. C’est pourquoi je me suis dit « Ce concept a été créé pour moi ! »
C’est quoi pour toi un cours d’Afrovibe réussi ?
Quand le prof ne se prend pas au sérieux, sans être dans la performance, ça aide à lâcher ses complexes. Je pense qu’on est role model mais à l’effet inverse ! On a la chance de pouvoir mettre notre style dans les chorés de Maryam, chacun y met sa patte. Il y a du travail pour ça, pas dans le niveau de danse mais dans la pédagogie et l’esprit Afrovibe. Un conseil à ceux qui voudraient essayer : ôtez tous vos préjugés sur les cours de danse fitness, éclatez-vous, laissez-vous remplir de cette sensation de liberté, soyez vous-mêmes.