« Le ski-alpinisme est un sport extrême qui enthousiasme par les émotions et les sensations qu’il procure »
Laetitia Roux, 32 ans, native de Gap (Hautes-Alpes), est une sportive de haut niveau française depuis 11 ans, spécialiste de ski-alpinisme. A son palmarès : 17 titres de Championne du Monde, 7 victoires à la Pierra Menta, l’épreuve de ski-alpinisme la plus connue au monde. Elle est membre de l’Equipe de France depuis 2008.
Propos recueillis par Alain Jouve
Comment devient-on une spécialiste du ski-alpinisme ?
« Le ski-alpinisme est un sport qui reste assez méconnu. Dès lors, il faut être montagnard pour entendre parler de la discipline et souhaiter l’exercer. Mon père pratiquait le ski de randonnée et le ski alpin. J’ai toujours baigné dans un environnement sportif qui m’a finalement pas mal conditionnée. J’ai été initiée au ski alpin dès l’âge de 2 ans. J’ai grandi à la montagne… J’accompagnais mon père à peu près partout. J’ai rapidement commencé à faire de la compétition en ski alpin, avec une rare rage de vaincre. J’avais vraiment l’esprit de compétition ancré en moi. Vers 17 ans, je me suis reconvertie au ski alpinisme. Ça s’est fait naturellement. »
Côté études ?
« J’ai quitté les Hautes-Alpes pour l’Isère à l’âge de 16 ans pour mes études. Bac en poche, j’ai poursuivi mon cursus à l’Université de Grenoble pour devenir kinésithérapeute. »
Quelles sont les particularités de la discipline ?
« Le ski alpinisme se pratique en pleine nature, à la montagne. C’est souvent pour le côté évasion et l’esthétique de ce sport que les gens finissent par s’y adonner. C’est un sport très complet, qui nécessite une certaine polyvalence. La principale qualité reste l’endurance mais il faut aussi avoir de la puissance et de la résistance pour la descente, ainsi qu’un peu d’explosivité. C’est préférable ! Et contrairement à ce que l’on peut penser, c’est une discipline très technique. La gestion de l’effort et la force mentale sont par ailleurs des atouts essentiels pour briller dans cette discipline. »
C’est une idée ou la discipline à tendance de se démocratiser ?
« Ce n’est pas une idée. C’est une réalité ! Le ski alpinisme est de plus en plus apprécié. Et de plus en plus de gens s’y adonnent. Plutôt des sportifs, il est vrai ! La raison est simple : c’est un sport extrême qui enthousiasme par les émotions et les sensations qu’il procure. Sans être dangereux, s’il est pratiqué avec prudence, il demeure très intense. Les médias commencent à s’y intéresser, notamment pour l’image « aventurière » qu’il véhicule. Le grand public est réceptif… il aime voir des images de ce sport ! Sa formule loisir, le ski de randonnée, qui nécessite aussi d’utiliser des peaux de phoques pour atteindre les sommets, tend à se démocratiser. D’ailleurs, quasiment toutes les stations de sports d’hiver mettent en place des itinéraires de ski-randonnée aujourd’hui. C’est un signe non ? »
Pendant la saison creuse, vous faites quoi ?
« J’ai fait ma dernière course le 23 avril. C’est tard dans la saison. Je fais généralement un break de 2 à 3 semaines après ça. J’en ai besoin. Mon corps le réclame. J’ai mis du temps avant d’accepter l’idée de ne plus rien faire. De me poser vraiment. De buller, les doigts de pieds en éventail au soleil par exemple. Nos saisons sont tellement épuisantes que je dois me ressourcer. J’apprécie aujourd’hui de ne rien faire. « Mail » et téléphone sont coupés. Rien à penser, rien à préparer. L’été, je ne skie pas. Je m’entraîne principalement en vélo (route et vtt), fais de la muscu et de la course à pied. Beaucoup de cardio en fin de compte. Comme je suis très sportive et que toutes les disciplines m’intéressent, je profite de la saison estivale pour « tester » d’autres sports outdoor et me faire plaisir. Le vélo de descente, le parapente ou encore l’escalade ont ma préférence. A l’automne, je reprends le ski roues, intéressant et efficace avant de remonter sur les skis sur le glacier de Tignes fin octobre. Commencent alors les compétitions d’entraînements avant d’entrer dans le dur et d’affronter les Championnats du Monde. »
Un mot sur ton projet ?
« Avec Tanya Neville, nous avons lancé le Women’s Skimo Project. Son principe est simple. Nous voulons faire évoluer et ouvrir les esprits sur la pratique du sport au féminin au travers du ski de randonnée. Pour se faire, nous avons lancé une campagne de financement participatif sur la plateforme KissKissBankBank pour récolter des fonds nécessaires à la réalisation de l’épisode pilote d’une future web-série. Pendant deux ans, une web-série (ou série) ira à la rencontre de filles d’exception. Elle sera clôturée par un long métrage. La web-série permettra de toucher un maximum de monde, amateurs de ski ou novices, adeptes des formats courts et web. Avec le film, plus complet, nous espérons participer aux multiples festivals de films et de montagne afin de toucher un plus large public. »