En 2015, l’État a créé le «Pacte de Performance», un dispositif qui permet aux sportifs de haut-niveau d’assurer leur double projet sportif et professionnel. Depuis 2015, les sociétés de ce Pacte se regroupent au sein d’un club appelé «Athlètes & Partenaires». Valérie Fignon, Directrice générale de ce réseau d’entreprises, a répondu à nos questions.
Propos recueillis par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.10 d’octobre-novembre-décembre 2018
WOMEN SPORTS : Valérie Fignon, racontez-nous comment l’association «Athlètes & Partenaires» est-elle née ?
Valérie Fignon : En 2014, le Gouvernement a créé un dispositif appelé « Pacte de Performance », afin de mieux sécuriser la vie de nos champions français. Porté par l’ancien secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard, ce dispositif permet aux sportifs de haut-niveau de bénéficier de contrats de travail adaptés (horaires aménagés) pour qu’ils puissent continuer à s’entraîner. En contrepartie, l’État dédommage les entreprises des efforts qu’elles consentent à faire en embauchant un salarié dans ces conditions. Thierry Braillard m’a contactée parce qu’il souhaitait que ces entreprises se réunissent en réseau. C’est ainsi qu’est née l’association «Athlètes & Partenaires» en novembre 2015. Elle représente les intérêts des entreprises du «Pacte de Performance» et facilite leur rencontre avec les athlètes dans l’esprit du double projet sportif et professionnel.
WS : Comment faites-vous vivre ce réseau d’entreprises partenaires du mouvement sportif français ?
Valérie Fignon : J’organise une dizaine d’événements annuels : des challenges sportifs, des rencontres lors de manifestations sportives, des avants-premières de films en lien avec le sport ou encore des soirées remises de trophées. Chaque entreprise du «Pacte de Performance» s’engage également à organiser au moins un rendez-vous par an pour les autres membres du club. En 2015, par exemple, Adidas avait invité les membres du club dans sa loge à Roland-Garros. Le but est que les entreprises se réunissent régulièrement pour échanger leurs bonnes pratiques. J’invite également à ces événements des sportifs en recherche de contrats et je demande aux entreprises membres d’emmener avec elles des «copines», qui pourraient être intéressées par la cause des athlètes de haut-niveau. Nous avons des entreprises qui viennent de partout, soit elles nous ont vu sur les réseaux sociaux, soit elles sont envoyées par les fédérations et aussi par des athlètes qui sont de bons prescripteurs.
« Les entreprises peuvent désormais faire du mécénat, une nouveauté dans le domaine sportif »
WS : Sous quelle(s) forme(s) les entreprises peuvent-elles aider les sportifs de haut-niveau ?
Valérie Fignon : Au départ, les entreprises du «Pacte de Performance» n’avaient le choix qu’entre deux options : signer un contrat d’image avec le sportif, ou l’embaucher en contrat d’insertion professionnelle (CIP), c’est-à-dire avec des horaires aménagés pour lui permettre de poursuivre sa carrière sportive. Mais l’année dernière, nous avons créé la «Fondation du Pacte de Performance» qui permet désormais aux entreprises de faire du mécénat. Une nouveauté dans le domaine sportif ! Il s’agit d’une bourse annuelle versée au sportif, d’un montant de 20.000€ en principe. L’avantage, pour les sociétés, est qu’elles peuvent défiscaliser cette somme à 60%, ce qui fait qu’elles déboursent en réalité moins de 10.000€. Sachant, d’une part, que c’est le prix d’une prise de parole d’un sportif devant les collaborateurs et que, d’autre part, les entreprises peuvent appeler leur athlète plusieurs fois dans l’année pour ce genre de prestations, elles sont finalement gagnantes. D’autant que, parmi les sportifs du «Pacte de Performance», il y a beaucoup de médaillées olympiques et paralympiques : 22 médailles sur les 42 remportées aux Jeux de Rio l’ont été par des athlètes du dispositif, 16 sur 23 pour le handisport.
WS : Quels sont les athlètes qui bénéficient du «Pacte de Performance» ?
Valérie Fignon : Nous aidons en priorité les sportifs potentiellement sélectionnables pour les Jeux Olympiques. Les athlètes en fin de carrière sportive ne sont pas prioritaires mais nous ne les excluons pas. Ceux qui participent à leur dernière olympiade ont besoin d’un coup de pouce pour intégrer une entreprise et penser à leur reconversion et certaines entreprises sont favorable à ces profils. Ensuite, nous aidons les sportifs qui en ont vraiment besoin. Bien sûr, nous n’allons pas travailler avec les footballeurs qui s’en sortent en principe très bien sans nous ! Sans faire de misérabilisme, nous nous sommes aperçus que beaucoup de champions français gagnaient moins de 1.000€ par mois, notamment dans des disciplines peu médiatiques telles que le tir-à-l’arc, la gymnastique ou le karaté. Ces athlètes sont prioritaires dans la recherche de partenaires et de sponsors.
« Beaucoup de champions français gagnent moins de 1.000€ par mois »
WS : Avez-vous des exemples d’athlètes, féminines de préférence, qui ont parfaitement réussi à s’intégrer dans l’une des entreprises du «Pacte de Performance» et qui y envisagent un avenir professionnel après leur carrière sportive ?
Valérie Fignon : Il y en a beaucoup ! On peut citer la boxeuse Estelle Mossely chez Allianz, la spécialiste du pentathlon moderne Élodie Clouvel chez Canal+, la sabreuse Cécilia Berder à Radio France ou encore la pistarde Laurie Berthon à FDJ. La judokate Fanny Posvite est aussi un bel exemple de ce que propose le «Pacte de Performance» : elle a fait ses études dans les ressources humaines et est en contrat avec le PMU qui l’a prise en stage et la forme. Nul doute que l’entreprise lui ouvrira grands ses portes au moment de sa reconversion ! Même chose pour Manon Valentino (BMX) chez Eiffage : elle travaillait au service communication du groupe le matin et partait s’entraîner les après-midis. La SNCF réserve également beaucoup de postes pour les athlètes de haut-niveau au sein de ses effectifs. C’est une entreprise investie dans le sport de haut-niveau depuis longtemps, bien avant la création du «Pacte de Performance». Elle fait office d’exemple.
WS : Lors de la Coupe du Monde 2018, Nathalie Iannetta a profité de sa fenêtre médiatique sur TF1 pour défendre les sportifs de haut-niveau. Elle a notamment déploré qu’en France, « on ne nous inculque pas, depuis que nous sommes enfants, que la valeur du sport est aussi importante que la valeur intellectuelle. Que la culture sportive, ça vaut tout autant que la culture mathématique, littéraire ou philosophique. » Partagez-vous cet avis ?
Valérie Fignon : Entièrement. La France est un pays d’intellectuels. À présent un peu moins mais il y a quelques années, dire de quelqu’un qu’il était un «sportif» était péjoratif : on disait qu’il n’avait rien dans la tête, qu’il ne savait faire que du sport et rien d’autre… Aujourd’hui, rares sont les athlètes de haut-niveau qui ne font que du sport. Ils font aussi de belles études et de belles carrières. À l’INSEP, il y a des jeunes sportifs qui sont ingénieurs, kinésithérapeutes, dentistes ou diplômés de Sciences Po. Ils sont engagés dans un double projet sportif et professionnel et sont très méritants. C’est pour cette raison que je suis triste de voir nos athlètes français arrêter leur carrière sportive parce qu’ils n’ont pas de partenaires, pas de sponsors et qu’ils ne gagnent pas assez d’argent. C’est pour cette raison que chaque entreprise devrait avoir un sportif dans son équipe. Ceci est un appel aux entreprises.
Quelques chiffres sur le Pacte de Performance :
- 225 sportifs aidés lors des JO de Rio, dont 37,3% de femmes et 22% de handisport
- 400 sportifs aidés pour les JO de Tokyo 2020 (objectif)
- 500 sportifs prioritaires
- 110 entreprises engagées : 40% de TPE/PME et 60% de grandes entreprises
- 297 contrats signés depuis 2015 : 40% de contrats d’insertion professionnelle (CIP), 48% de contrats d’image et 12% de conventions de mécénat, soit 600.000 € distribués sous forme de bourses
- 5.568.000€ récoltés par an pour les sportifs français