Deux ans après sa médaille de bronze aux Jeux olympiques de Rio et une pause maternité de quelques mois en 2017, Camille Lecointre a retrouvé son premier amour : la voile. Elle navigue toujours en 470 mais avec une nouvelle équipière, Aloïse Retornaz. En août, les deux bretonnes seront en lice aux Championnats du monde de voile 2018 à Aarhus au Danemark (2-12 août), première grande étape avant leur objectif commun : Tokyo 2020. Nous avons rencontré Camille Lecointre à Brest en mai dernier. Entretien avec une sportive maman qui ne manque pas d’ambitions.
PROPOS RECUEILLIS PAR FLORIANE CANTORO
À Brest, le 17 mai 2018
• En 2016, vous décrochez la médaille olympique de bronze en 470 avec Hélène Defrance. Quel(s) souvenir(s) gardez-vous des Jeux de Rio ?
Un bonheur intense car c’est une compétition incomparable ! C’est tellement particulier avec les équipes nationales, le village olympique, la sécurité… On sait qu’il va y avoir des surprises, des équipages favoris qui vont complètement s’écrouler sous la pression et, au contraire, d’autres qui contre toute attente vont performer. Quelques mois avant Rio, on avait remporté les Championnats du monde 2016 avec Hélène, on était donc favorites pour une médaille. Personnellement, j’avais à coeur de faire mieux qu’à Londres [ndlr, 4e en 470 avec Mathilde Géron]. On a très mal commencé la compétition. D’expérience, je savais que ce serait long, entre 6 et 10 jours, donc on s’est remotivé et on a rien lâché pendant toute la semaine. Avant la dernière manche, on était en 4e position. Mais tout était encore possible car le classement était tellement serré qu’il y avait presque une égalité de points entre la 2e et la 7e place. Au début de la manche, on était à l’arrière de la flotte. Puis, sur le dernier bord on a tenté une option qui a été payante. Il s’en est fallu de peu ! Comme à Londres il s’en était fallu de peu de passer à côté du podium. Le bonheur était donc encore plus intense.
• Quand et pourquoi avez-vous décidé de repartir sur une nouvelle olympiade ?
Au retour de Rio, je savais que je n’allais pas arrêter la voile. Je n’avais pas forcément Tokyo 2020 en tête, mais je savais que je voulais continuer de mener cette vie sur l’eau. J’ai pris deux mois de réflexion pour choisir mon support et mon projet. Parallèlement j’avais aussi envie de fonder une famille et, finalement, c’est ce projet qui a mûri en premier. C’était la bonne année pour avoir un enfant. La pause maternité a été longue, je me languissais de reprendre. J’étais tout le temps collée à l’ordinateur pour regarder les résultats ! J’ai compris que si je repartais, il fallait que je le fasse sur le même type de bateau car j’avais déjà un bagage et ce serait plus simple. Puis, naturellement, j’ai pensé à Tokyo 2020. J’avais envie de revivre les belles émotions que j’ai connues à Rio. Il y avait aussi un petit goût d’inachevé dans le sens où on a gagné le bronze avec Hélène. Il reste l’or à aller chercher !
• Comment votre nouveau duo avec Aloïse Retornaz s’est-il formé ?
J’ai commencé à chercher une nouvelle équipière après la naissance de mon petit à l’automne 2017 [ndlr, Hélène Defrance ayant choisi de ne pas repartir sur un cycle olympique]. J’avais quelques idées de filles mais j’ai très vite su que c’était avec Aloïse que je souhaitais vivre l’aventure. Elle était l’une des meilleures équipières en 470 du moment. Elle faisait partie de l’équipage qui était juste derrière nous en termes de résultats. On se connaissait déjà un petit peu car on était concurrentes ou partenaires d’entraînement, au choix (rires) ! Plusieurs choses m’ont plues chez elle : le fait qu’elle soit plus jeune (24 ans), qu’elle soit venue me voir en me disant qu’elle était motivée, qu’elle soit Brestoise et qu’elle ait les pieds sur terre. Le duo s’est formé en décembre et nous avons repris les entraînements début janvier.
• Pendant quatre ans, vous aviez navigué avec Hélène Defrance. Comment fait-on pour reconstruire un nouveau binôme ?
Ça se fait en fonction des personnalités et il y a une part de feeling importante aussi. Rien n’est mécanique ! On construit d’abord toute la partie technique puis, au fur et à mesure qu’on avance dans la préparation olympique, on creuse plus sur les détails de coordination et de communication, on met en place tout ce qui est langage commun, mode de fonctionnement et de prise de décision. Aloïse n’a pas la même personnalité qu’Hélène, naturellement, ni la même façon de fonctionner. Il a fallu réajuster. On est encore en plein dedans, c’est quelque chose qui prend du temps.
• Vos premières compétitions se sont plutôt très bien passées : 4e place au Trofeo Princesa Sofia de Palma, puis 1ère place décrochée en World Cup serie à Hyères. C’est de bon augure pour les Championnats du monde de Aarhus au Danemark (2-12 août 2018).
Je ne m’attendais pas à d’aussi bons résultats aussi rapidement ! C’est super positif car on n’a pas encore beaucoup d’entraînements ensemble au compteur. C’est motivant et ça donne confiance dans le duo. Ça prouve qu’on ne s’est pas trompé en s’associant. C’est encourageant pour les Mondiaux 2018 où on peut déjà viser le podium. Ensuite, l’objectif sera de monter crescendo et de se rapprocher doucement de la première place en vue des JO de Tokyo 2020.
• Vous êtes maman depuis quelques mois. Comment gérez-vous cette nouvelle casquette avec les entraînements et les compétitions de voile ?
Ce n’est pas facile parce que mon mari fait aussi partie de ce milieu [ndlr, ancien athlète de l’équipe d’Israël, il est aujourd’hui entraîneur de l’équipe de Suède]. On est souvent en déplacement tous les deux. Heureusement que nos familles sont présentes pour nous accompagner et jouer les nounous ! Je ne suis pas la seule dans cette situation puisque Charline Picon, la championne olympique de planche à voile, vient elle aussi d’avoir un enfant. On est toutes les deux confrontées à la même problématique : qui pour garder notre petit quand on est sur l’eau ? On a lancé des perches pour que quelque chose soit mis en place au niveau de la Fédération, de l’équipe de France ou des événements, comme c’est le cas par exemple au Japon où des garderies sont à disposition sur toutes les compétitions de voile. Mais nous n’avons pas eu beaucoup de retours…
• La maman sportive est-elle différente de la sportive d’avant ?
Complètement (rires) ! Avant, je ne vivais que pour la voile, il n’y avait que ça dans ma vie. Maintenant, ce n’est plus le cas. J’ai un nouveau centre d’intérêt. Je regarde davantage les horaires. Je fais attention à ce que tout soit bien organisé et efficace pour ne pas perdre de temps car je sais qu’il y a quelqu’un qui m’attend à la maison. Il y a aussi des supers côtés à être maman pour une sportive car je relativise beaucoup plus les petites erreurs et les contrariétés. Je prends moins les choses négatives à coeur. Pour autant, ça ne m’enlève pas ma combativité et ma compétitivité.
• Un dernier mot sur Paris 2024 pour finir. L’événement est-il déjà dans un coin de votre tête ?
C’est loin mais c’est vrai que je ne peux pas m’empêcher d’y penser. On en entend beaucoup parler en France et c’est sûr que des Jeux à la maison, ça fait rêver ! On verra, la porte n’est pas fermée en tout cas. Mais pour le moment, c’est objectif Tokyo 2020.
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