En juillet dernier, nous avions embarqué avec Marie Riou et Carolijn Brouwer dans la préparation de Dongfeng Race Team à la Volvo Ocean Race, la plus grande course de voile au large en équipage et avec escales. Nous avons retrouvé l’équipage skippé par le Français Charles Caudrelier à Alicante, en Espagne, à quelques jours du top départ. Ambiance.
« On commence à sentir que ça approche ». Sur la terrasse du pavillon Dongfeng, Carolijn Brouwer regarde la foule envahir le port d’Alicante. Entre les centaines de touristes et amateurs de voile qui se baladent dans le village, les membres du staff de la Volvo Ocean Race qui naviguent de pavillon et pavillon pour régler les derniers détails de la course et les camions garés çà et là sur le passage, le port d’Alicante ressemble à une vraie fourmilière. « On sent la pression monter mais c’est bien, j’en ai besoin pour bien naviguer », se rassure la Néerlandaise de 44 ans.
Depuis notre dernière rencontre en juillet, Dongfeng Race Team en a avalé des milles ! Notamment avec le Leg Zero cet été, sorte de qualification pour les bateaux engagés dans la course, qui s’organise en 4 manches : tour de l’île de Wight, Rolex Fasnet Race, Plymouth/Saint-Malo et Saint-Malo/Lisbonne. L’occasion aussi pour l’équipage du constructeur automobile chinois Dongfeng, skippé pour la deuxième fois consécutive par le Français Charles Caudrelier, de se confronter à ses futurs adversaires.
« Ça va être une course difficile »
En prenant la deuxième place du classement général du Leg Zero, avec une courte victoire sur l’équipage espagnol Mapfre lors de la célèbre Fasnet Race (56 secondes d’avance précisément), Dongfeng Race Team a pris le ton de la compétition.
« Ça va être une course difficile, admet Caudrelier. Les Espagnols sont très bons et ils le prouvent chaque jour ». En plus du Leg Zero, le bateau espagnol Mapfre, skippé par le Basque Xabi Fernandez, a remporté le Prologue, soit la dernière étape d’entraînement avant le départ de la Volvo qui permet d’amener la flotte de Lisbonne à Alicante. Il s’est également imposé lors de la première course in-port de la compétition, disputée le samedi 14 octobre au large du village, qui donne des points en cas d’égalité finale. Dongfeng Race Team a pris la seconde place de cette première échéance. Pour Carolijn Brouwer, ça promet une course serrée : « Sur les sept bateaux engagés, cinq peuvent gagner la Volvo. Celui qui gagnera, ce ne sera pas celui qui ne commettra aucune faute, mais celui qui en commettra le moins », analyse-t-elle.
Difficile étant donné la longueur de la compétition : huit mois. « Au départ, tout le monde se sent fort et reposé. Mais après cinq mois, c’est là que le potentiel gagnant va se révéler ». Une durée qu’appréhende un peu la Française Marie Riou, l’autre femme de Dongfeng, sur-expérimentée en régate (quadruple championne du monde de Nacra 17) mais novice en course au large : « Même si je me sens de plus en plus à l’aise sur le bateau, une étape de 25 jours en mer, ça reste encore l’inconnu pour moi ! ».
Des équipages finalement tous mixtes
Marie et Carolijn prendront le départ de la Volvo Ocean Race le 22 octobre, comme dix-huit autres femmes marins. Pour cette 13ème édition en effet, une règle est venue favoriser la féminisation de la course en donnant un avantage numérique aux équipages mixtes qui peuvent naviguer à huit ou neuf à bord au lieu de sept marins en cas d’équipage entièrement masculin. Une bonne stratégie de la part de l’ancien patron de la course, Mark Turner [ndlr : qui a démissionné début septembre] puisque, finalement, tous les bateaux seront mixtes. « Team Scallywag [ndlr : Hong Kong], au départ, n’avait pas pris de femmes. Puis ils se sont rendus compte que c’était trop dur de faire les étapes à seulement sept marins, explique Carolijn. Je pense que maintenant, ils sont à l’aise avec le fait d’avoir une femme à bord ».
Lors de la précédente Volvo en 2014-2015, la navigatrice Néerlandaise avait fait la course sur le bateau 100% féminin de Team SCA. Six de ses anciennes coéquipières sont présentes sur cette nouvelle édition, dont la Britannique Dee Caffari, seule skippeuse de la compétition à la tête de l’équipage Turn the Tide on Plastic (6 femmes, 5 hommes).
« Tu finis complètement usé »
En tout, ce sont pas moins de 76 marins qui s’apprêtent à s’élancer dans la plus longue compétition dans l’histoire du sport, toutes disciplines confondues. Une course tellement éprouvante physiquement et mentalement que beaucoup de marins se promettent de ne jamais y retourner. Et pourtant… Sur Dongfeng, plusieurs d’entre eux en sont à leur deuxième, troisième… voire même huitième Volvo Ocean Race pour le Néo-Zélandais Stu Bannatyne ! Pour Charles Caudrelier, l’explication est simple : « Quand je pars sur la Volvo, j’ai peur. Peur de trouver ça trop dur, peur de ne pas y arriver. C’est ce qui rend la course passionnante. Avec le Vendée Globe, c’est une des seules courses qui, après 20 ans d’expérience, reste encore une aventure pour moi ».
Une aventure, ça l’est sans aucune doute : huit mois pendant lesquels ils enchaînent les étapes, passent parfois 30 jours d’affilée en mer sur le bateau, mangent lyophilisé et se douchent.. enfin non, plutôt se rincent à l’eau salée. Sans compter les mois de préparation en amont et la compétition, présente dans toutes les têtes. « La Volvo ça te prend tout ton temps, toute ton énergie pendant des mois, complète Pascal Bidégorry, navigateur de Dongfeng Race Team. Tu finis t’es complètement usé. T’as juste envie de trouver un peu de repos intellectuel, du temps pour toi ».
Heureusement, l’équipage est d’une nature optimiste. Qualité essentielle pour mener la Volvo d’un bout à l’autre. « J’ai toujours pensé que chaque bateau devait avoir un clown à bord pour détendre l’atmosphère. Mais avec Dongfeng, c’est carrément un bateau de clowns qu’on a ! », s’amuse Carolijn avant de retrouver son sérieux. « Parfois, les gens n’ont pas réellement conscience de ce qu’on fait physiquement et mentalement pendant la course. À la fin, tu dois donner à ton corps et à ton mental la chance de récupérer ».
Pour elle, tout est déjà programmé : en juin 2018, à l’arrivée de la Volvo, elle entend bien profiter de son fils Kyle et de ses amis, loin des bateaux, des voiles et de la mer. Enfin loin, mais pas trop longtemps quand même ! « En novembre 2018, il y a le mondial de Class A ». Chassez le naturel….
Équipage Dongfeng Race Team :
- Charles Caudrelier, skipper (France)
- Pascal Bidégorry, navigateur (France)
- Stu Bannatyne, membre d’équipage (Nouvelle-Zélande)
- Carolijn Brouwer, membre d’équipage (Pays-Bas)
- Marie Riou, membre d’équipage (France)
- Jérémie Beyou, membre d’équipage (France)
- Jiu Yang « Wolf », membre d’équipage (Chine)
- Chen Jintao « Horace », membre d’équipage (Chine)
- Kévin Escoffier, offshore sailor (France)
- Daryl Wislang, membre d’équipage (Nouvelle-Zélande)
- Liu Xue « Black », membre d’équipage (Chine)
- Jack Bouttell, bowman (Australie)
VOLVO OCEAN RACE, EN CHIFFRES :
- 7 équipages engagés dans la course : Mapfre (Xabi Fernàndez), Dongfeng (Charles Caudrelier), AkzoNobel (Brad Jackson), Brunel (Bouwe Bekking), Vestas (Charlie Enright), Scallywag (David Witt), Turn the Tide on Plastic (Dee Caffari)
- 8 mois de course, d’octobre 2017 à juin 2018
- 11 étapes et 5 continents visités (Europe, Afrique, Asie, Océanie et Amérique)
- 45 000 miles nautiques, soit plus de 85 000 km
- 18 femmes sur un total de 76 marins
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